Savez-vous que l'Ancien Empire égyptien qui construisit les pyramides s'est effondré lors d'un changment climatique? Que l'ère des dinosaures ou que des simulations de l'atmophère martienne peuvent nous fournir de précieux renseignements sur la façon dont les climats vont évoluer? Que de la viande artificielle pourrait nous permettre de lutter contre le réchauffement climatique? Si vous voulez en découvrir plus là-dessus ainsi que sur beaucoup d'autres sujets, je vous propose mon livre Climats du futur: une fascinante enquête au coeur de la communauté scientifique pour seulement 2,99 euros chez Amazon que vous pourrez lire immédiatemment avec Kindle. Pour y accéder il suffit de cliquer sur ce lien. Le changement climatique est une des plus importantes questions que notre civilisation devra adresser durant ce siècle. Il aura des répercussions majeures sur notre avenir que ce soit au niveau strétégique, militaire ou encore du sytème économique. Quelque soit votre domaine d'expertise vous ne voulez donc pas passer à côté de ces informations étonnantes.


mardi 30 septembre 2008

De la viande artificielle pour lutter contre l'effet de serre?


D’un groupe d’artistes créant des œuvres semi-vivantes à de la viande artificielle pour diminuer le réchauffement planétaire, il peut n’y avoir qu’un pas ! Départ pour une étonnante histoire … qui pourrait bien tous nous concerner dans quelques années.

De tout temps les artistes se sont inspirés des plantes et des animaux pour créer leurs œuvres. Pourtant un nouveau pas a été franchi et l’art utilise aujourd’hui parfois le concours de la nature. Un des cas les plus connus est celui du français Hubert Duprat qui met à disposition d' insectes de l’or ainsi que des pierres précieuses tels des diamants, des perles ou des saphirs. Les arthropodes vont les assembler pour créer des cocons, de véritables merveilles !



Pour voir un film montrant comment les insectes fabriquent ces structures.

Les avancées de la science et de la technologie permettent d’entrevoir des possibilités étonnantes pour l’art utilisant le vivant. Ainsi, certains veulent se servir de la génétique pour créer de nouvelles espèces qu’ils ont imaginées. Si ce projet n’a pas encore été concrétisé, d’autres tout aussi bizarres on été menés à bien. Par exemple des artistes génèrent des œuvres qu’ils qualifient de semi-vivantes. C’est le cas d’un groupe créé en 2000, connu sous le nom de Symbiotic A, localisé dans un laboratoire de l’University of Western Australia (université de l’Australie de l’ouest). Comment font-ils ?
Les cultures de cellules
A partir des années 1860 des scientifiques vont sortir des organes de corps et les plonger dans des solutions afin qu’ils continuent à fonctionner. On peut alors voir des cœurs battre à l’intérieur de récipients en verre. Ces expériences ouvrirent la voie à d’autres recherches : les cultures de cellules. Les animaux sont constitués à l’échelle microscopique de cellules, les briques vivantes avec lesquelles les organismes sont construits. Des cellules isolées d’un être et mises dans des conditions qui leur conviennent (présentant entre autres un apport de nourriture) vont se multiplier. Un cas particulier est celui des cellules cancéreuses, qui vont être immortelles. De plus, contrairement aux autres cellules, elles ne vont pas arrêter leur croissance après avoir occupé la surface qui est mise à leur disposition mais vont continuer à proliférer en hauteur. On peut ainsi voir sortir ces cellules de leur bocal dans le but de coloniser d’autres endroits. Une telle souche de cellules va être mise en place en 1951. Elle est nommée HeLa, une abréviation pour Henrietta Lack, une citoyenne des Etats-Unis sur laquelle ces cellules ont été prélevées avant qu’elle ne décède des suites d’un cancer.
Henritta Lack






Depuis, ces cellules existent dans de nombreux laboratoires autour du monde. Leur masse totale excède actuellement celle du corps d’Henrietta Lack, qui fut enterré il y a plus d’un demi-siècle ! Ces cellules vont d’ailleurs régulièrement contaminer d’autres cultures de cellules. Etant cancéreuses, elles vont même parfois tellement se multiplier qu’elles vont prendre la place d’autres sans que les chercheurs ne s’en rendent compte immédiatement.

Réalisation en chair durant sa confection dans le laboratoire de Symbiotic A.

Mais revenons à nos artistes. Exploitant les connaissances accumulées par la science durant ces expériences, ils vont également cultiver des cellules, mais en utilisant des guides afin qu’elles poussent en remplissant des formes prédéfinies. Ils vont ainsi par exemple réaliser une œuvre représentant une oreille humaine.


D’autres travaux utilisant le même mode opératoire vont voir le jour, comme des poupées de viande.









Détail d’une des poupées.












Un autre intérêt de cette méthode et de pouvoir par exemple créer de la chair de grenouille, sans avoir besoin de la tuer ; il suffit de prélever quelques cellules sur l’amphibien et de les mettre en culture. Ces artistes vont ensuite manger le résultat.

Cette photographie montre la salle à manger où des membres de Symbiotic A ont, au cours d’un ‘’festin’’, mangé de la viande artificielle de grenouille. Le signe sur la porte est un sigle international mettant en garde contre des substances, dérivées d’organismes, potentiellement dangereuses.
Quelle est le rapport de ceci avec la climatologie ? A priori, il n’y en a pas sauf que… des scientifiques ont vu dans ce genre de repas bien particuliers un moyen de lutter contre l’effet de serre ! Comment ? En créant de la viande artificielle, suivant le mode utilisé par ce groupe, mais de façon industrielle. En effet, un rapport de l’Organisation des Nations Unies, rédigé par la Food and Agricultural Organisation (organisation de l’alimentation et de l’agriculture) aux Etats-Unis arrive à la conclusion que l’agriculture est responsable de 18% des gaz à effet de serre. Les vaches auraient par rapport à ceci la plus grosse responsabilité, de par le fait qu’elles éructent ! En le faisant, elles libèrent du méthane, un puissant gaz à effet de serre. En plus, la consommation de viande pourrait doubler d’ici 2050. Certains scientifiques pensent donc que remplacer le bétail par de la viande artificielle serait un moyen de limiter le réchauffement planétaire.
Différents projets scientifiques ont actuellement comme but la fabrication de viande de laboratoire pour l’alimentation humaine (voir par exemple le site en anglais de New Harvest).
Alors, mangerons-nous dans quelques années une telle nourriture? Après les OGM, ce n’est pas impossible… 
                                                               Gaëtan Dübler

mercredi 24 septembre 2008

Ce que les dinosaures ont à nous apprendre sur les climats futurs

Ce reptile est un Diplodocus. D’une longueur pouvant atteindre 35 mètres, son cou à lui seul mesurant jusqu’à 9 mètres, il naissait d’un œuf de 20 à 30 centimètres de diamètre. Il est estimé que son cœur devait peser 1,6 tonne, à moins qu’il n’y ait eu des pompes auxiliaires dans le cou. Des herbivores semblables encore plus démesurés pesaient dans les 80 tonnes !

A quoi ressemblerait la Terre si la concentration atmosphérique de CO2 continue de croître de par les émissions générées par les activités humaines ? La réponse se trouve dans un monde depuis longtemps disparu, celui des dinosaures. En effet, cette ère est caractérisée par une atmosphère contenant jusqu’à 12 fois plus de dioxyde de carbone qu’actuellement et donc un effet de serre important. L’étude de cette période de la vie sur terre a ainsi une grande importance pour élaborer des scénarios réalistes de ce qui pourrait se passer dans les temps à venir. Elle permet aussi de tester les modèles climatiques utilisés pour prévoir les climats futurs. Aujourd’hui les climatologues travaillent avec les paléontologues. Qu’ont donc à nous dire des fossiles enfouis sous la terre depuis des centaines de millions d’années sur l’avenir de notre planète bleue ?















Aéroport de Bettles, Alaska. Un hélicoptère CH-47D Chinook de l’U. S. army (armée des Etats-Unis) vient de se poser afin de faire le plein de kérosène. Les pilotes en profitent pour ausculter une nouvelle fois les photographies, prises par un satellite, de leur destination. L’aéronef ainsi que la B Compagny, 4th Battalion, 123rd Aviation Regiment (compagnie B, 4e bataillon, 123e régiment d’aviation), dont des militaires constituent l’équipage, se préparent à une des missions les plus délicates depuis la guerre du Viet Nam. Il s’agit d’aller récupérer dans le cercle polaire arctique un fossile d’un reptile marin, un Ichtyosaure, ayant vécu pendant l’ère des dinosaures.

Reconstitution d’Ichtyosaures.

L’escale terminée la machine volante met le cap vers le nord. Une fois arrivés à l’emplacement du fossile, où ils montent un camp, ils se trouvent à 200 km. de la prochaine route ou habitation. Les représentants de l’armée, accompagnés de scientifiques, dirigés par un expert en dinosaures polaires, le Dr. Gangloff, extraient le fossile et le protège en vue de son transport. Malgré des conditions météorologiques difficiles, le 5e jour, le précieux caillou est hissé à bord de l’hélicoptère sous un soleil qui, à ces latitudes et à cette période de l’année, ne se couche jamais.


















Le fossile collecté lors de cette opération.








Peu après que cette expédition soit terminée, une nouvelle similaire est mise sur pied.

Des membres de ce deuxième voyage.














Des Chinooks, équipés de skis pour atterrir, volent au-dessus de l’océan Arctique en direction de leur nouveau but.


Cette fois différents spécimens de fossiles de dinosaures sont ramenés, dont trois crânes de Pachyrhinosaures pesant une tonne.

Jeune dinosaure Pachyrhinosaurus. Une fois adulte cet herbivore mesurerait quelque 5 ,5 mètres de long et avait une hauteur de plus de 2 mètres.

Pourquoi tant d’efforts pour rapatrier le squelette de créatures disparues il y a des temps antédiluviens ? Une des raisons en est que leur connaissance fournit des indications sur les climats qui régnaient sur la Terre au moment de leur existence. Par exemple, il est étonnant de voir que les dinosaures vivaient, comme nous venons de le voir, dans le cercle polaire arctique, des régions aujourd’hui inhospitalières. Ceci suggère aux paléontologues des climats très différents de ceux que l’on peut rencontrer de nos jours.
Etant donné qu’il y avait pendant le Mésozoïque (la période pendant laquelle les dinosaures ont vécu) des taux de CO2 beaucoup plus importants qu’aujourd’hui, jusqu’à 12 fois supérieurs, cette période permet d’étudier un monde caractérisé par un effet de serre important, peut-être similaire à celui que l’homme va créer, de par son utilisation des énergies fossiles dont la combustion génère des gaz à effet de serre.

La mémoire des plantes
Comment les scientifiques connaissent-ils les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone qui existaient il y a des dizaines de millions d’années ? Un moyen est l’étude des Magnolias ! Si ces plantes sont exposées à des taux de CO2 importants, la forme de leurs feuilles va être différente. Etant donné que le Magnolia existait déjà à l’époque des dinosaures, les scientifiques peuvent en regarder les fossiles et en déduire la concentration de dioxyde de carbone au moment où ces végétaux étaient en vie.

Une fleur de Magnolia. Comme ces organismes se développèrent alors que les abeilles n’existaient pas, ils sont conçus pour être pollinisés par des coléoptères ! (les coléoptères sont des insectes, telles les coccinelles, qui se distinguent par leurs ailes particulières. C’est l’ordre des animaux qui regroupe le plus d’espèces de nos jours).




Une autre solution pour déterminer les concentrations de CO2 du passé nous est également fournie par les végétaux. Vous êtes-vous demandé comment pousse un arbre? La réponse pourrait paraître évidente : il a des racines et prélève dans le sol ce dont il a besoin pour sa croissance. Si ceci était exact, il devrait y avoir une dépression dans le sol autour du tronc là où il a prélevé de la terre ! En effet, ces plantes font partie des organismes les plus volumineux, un simple sapin pèse à peu près 2 tonnes. Toute cette matière doit donc bien provenir de quelque part. Ceci a depuis longtemps intrigués les scientifiques. On trouve le premier compte-rendu d’une expérience visant à élucider cette question dans un vieux livre du 17ème siècle dont le titre est Ortus medicinae, vel opera et opuscula omnia (traduit par les Œuvres de Jean Baptiste Van Helmont traitant des principes de médecine et physique). Ce chimiste belge avait pris un pot dans lequel il mit de la terre dont il mesura le poids. Il y planta un arbre et attendit 5 ans. Lorsque celui-ci eut grandi il pesa de nouveau la terre. Sa masse n’avait presque pas changé ! D’où venait donc la matière qui constituait les racines, le corps, les branches et les feuilles ? Depuis les chercheurs ont résolu ce mystère. La réponse est étonnante : essentiellement de l’air (pour 92% du poids de l’arbre), accessoirement de l’eau qu’il a prélevée par ces racines (pour 7%) et d’éléments provenant de la terre pour une quantité négligeable (beaucoup moins de 1%).

Un chêne s’est effondré dans un parc en Angleterre. Difficile de s’imaginer que cette énorme masse est essentiellement faite à partir d’air…

Comment les plantes arrivent-t-elles à ‘’condenser’’ de l’air afin de se constituer ? Elles vont ‘’inhaler’’ du dioxyde de carbone se trouvant dans l’atmosphère. Avec l’énergie qui leur est fournie par la lumière elles vont le transformer en leurs constituants - il s’agit du processus que l’on nomme photosynthèse - . En se faisant elles génèrent de l’oxygène, que l’on va utiliser pour notre respiration (un arbre fournit assez de ce gaz pour deux êtres humains). Nous allons nous- même créer du dioxyde de carbone lors de ce processus qui va à son tour pouvoir être recapté par des plantes.
Des philosophes grecques dont Aristote, Platon et Hippocrate estimaient que les êtres et les objets étaient le résultat de mélanges différents d’air, d’eau, de terre et de feu. Cette vision servit de base à la perception du monde en Europe pendant plus de 2 millénaires et entre autres les alchimistes allaient la reprendre au Moyen-âge. Bien que cette idée ait été abandonnée en science, il peut être opportun de la raviver dans ce cadre. En effet, on a vu qu’un arbre est créé à partir d’air, d’eau et dans une moindre mesure de terre. Qu’en est-il du feu ?
Notre planète se trouve isolée dans le vide de l’univers et essentiellement le seul élément que l’on reçoit de l’extérieur est l’énergie qui nous provient du Soleil. Comme nous l’avons vu les plantes vont pouvoir utiliser cette dernière (elles apparaissent vertes parce qu’elles n’absorbent pas la lumière de cette couleur et celle-ci est ainsi réfléchie.) On peut donc bien considérer qu’il y a une composante de ‘’feu’’ provenant de notre étoile dans un végétal.
Nous sommes nous-mêmes constitué à base de plantes, notre corps étant tiré des végétaux que nous avons mangés ou de viande qui provient d’animaux qui ont eux-mêmes consommé une telle nourriture. Nous émanons donc aussi d’air, d’eau, de terre et de feu, l’énergie que nous utilisons pour marcher, réfléchir, travailler, etc. provenant ultimement de la lumière du Soleil captée par les végétaux. (Dans la vision actuelle, un humain est fait essentiellement d’oxygène, de carbone, d’hydrogène et d’azote. D’autres éléments entrent dans notre composition de façon moins importante comme des métaux tels le fer, le cobalt, le calcium… Il est à remarquer que les quantités de ces substances requises pour l’édification d’un homme peuvent être achetées sur le marché pour seulement quelques euros !).
L’essence que l’on met dans le réservoir de nos voitures est essentiellement issue de pétrole, qui vient lui-même initialement de plantes et d’animaux. L’énergie qui propulse ces véhicules est donc aussi finalement issue de l’astre du jour.
Mais revenons à la question de la photosynthèse. Comme mentionné précédemment les végétaux utilisent du CO2. Pour ceci ils ont des petites ouvertures nommées stomates sur leurs feuilles qui leur permettent de l’assimiler.

Cette photographie prise avec un microscope montre un stomate, une des nombreuses minuscules ‘’bouches’’ se trouvant à la surface des plantes leur permettant d’’’aspirer’’ du CO2 - ici sur une feuille de tomate - .


Ces structures vont permettre à l’eau qui se trouve dans la plante de s’évaporer. Plus une plantes a de ces pores, plus elle va avoir tendance à transpirer. Le but des végétaux étant d’éviter les déperditions de ce liquide, celui-ci étant nécessaire à leur survie, ils vont présenter le minimum de stomates afin d’assurer l’absorption de dioxyde de carbone dont ils ont besoin. Si la concentration atmosphérique de ce gaz s’élève, le nombre de ces orifices va donc généralement diminuer et vice versa. Il est ainsi possible de compter ces derniers sur des feuilles fossilisées pour avoir des indications sur les concentrations de CO2 à une époque donnée.

Des dinosaures gigantesques à cause du CO2 ?
Ces taux élevés de dioxyde de carbone ont par ailleurs eu un autre effet sur la végétation. Celle-ci poussant généralement mieux dans une atmosphère enrichie en ce gaz étant donné que les plantes l’utilisent pour la photosynthèse comme nous l’avons vu précédemment, on peut imaginer que les dinosaures herbivores avaient beaucoup de nourriture. D’après certains scientifiques ceci expliquerait pourquoi des dinosaures sont devenus si grands. Pour tester cette hypothèse, des Ginkgos biloba, des arbres qui existaient déjà à l’époque des dinosaures, ont été mis dans une atmosphère enrichie en dioxyde de carbone et en oxygène pour reconstituer une atmosphère similaire à celle qui existait. Les arbres ont poussé jusqu’à trois fois plus vite que dans les conditions actuelles !

Cette photographie montre un Ginkgo à Hiroshima au Japon. Il existait déjà en 1945, à environ 1 km. de l’épicentre de la bombe atomique lancée sur cette ville par les Etats-Unis. Le temple qui se trouvait initialement à côté de lui fut soufflé par l’explosion. Depuis un nouvel édifice a été construit, dont les marches se séparent afin de laisser un espace pour son tronc.
Les Ginkgos biloba existaient déjà il y a des centaines de millions d’années. Ils ont traversé le Mésozoïque (l’ère des dinosaures), au sein d’une végétation très différente de celle de nos jours. L’herbe, par exemple, n’existait pas encore. Pourtant, après ceci, ils vont progressivement disparaître. Il n’en existera plus que dans une région de la Chine. Des moines de ce pays vont patiemment les cultiver pendant 1000 ans. Cet arbre étant associé au bouddhisme on peut le voir autour de temples. Certaines de ces plantes ont un âge allant jusqu’à 3000 ans !

Pourtant, tous les scientifiques ne partagent pas ce point de vue. Par exemple Jorn Harald Hurum, un paléontologue à l’université d’Oslo en Norvège, remarque que « Tous les dinosaures n’étaient pas grands. De plus, on connaît des animaux gigantesques à toutes les périodes ces derniers 200 millions d’années. Même de nos jours, nous pouvons en rencontrer, tels les baleines, les éléphants ou les girafes. ». Christopher R. Noto, un chercheur spécialiste des dinosaures à la Stony Brook Univerity (université Stony Brook) aux Etats-Unis estime qu’ « Il faut tenir compte de différents phénomènes qui peuvent, malgré un taux de CO2 plus élevé, amener à des diminutions de production des plantes. Il y a par exemple la question de l’épuisement des sols, une transpiration plus importante des végétaux avec une augmentation de température ou encore une difficulté pour les plantes à avoir accès à la lumière à cause des autres. ». On remarque également qu’une augmentation de CO2 peut amener des végétaux à avoir un contenu moins nutritionnel, voire à ne plus être consommable. « C’est le cas chez ceux qui vont utiliser le CO2 pour synthétiser des éléments qui servent de défense à la plante. » poursuit ce scientifique. Le Dr. Lionel Cavin, conservateur du département de paléontologie et géologie du musée d’histoire naturelle à Genève en Suisse, ne voit également pas une relation directe entre des plantes qui croissent plus vite et des animaux de grande taille : « Les régions où nous voyons actuellement le plus de végétation sont les forêts tropicales. Pourtant, ce n’est pas là, mais dans les savanes, qui vivent les grands animaux. ». On peut imaginer qu’il devait en être de même durant l’époque des dinosaures étant donné que de volumineux animaux, avec leur corps encombrant, ont de la difficulté à se mouvoir entre les arbres d’une forêt. Comme nous allons le voir par la suite, ces questions jouent un rôle dans la reconstruction des climats du Mésozoïque.

Les climats des dinosaures
En quoi le monde des dinosaures différait –il du nôtre ? La première différence est qu’il faisait généralement, de par l’effet de serre exacerbé, plus chaud sur Terre qu’aujourd’hui. La répartition des climats était donc différente.


Cette carte montre les climats au Jurassique, une période de l’ère pendant laquelle les dinosaures ont vécu.
En jaunes sont représentés des climats humides en été, en rose : des déserts, en rose clair : des climats humides en hiver, en vert : des climats tempérés et en bleu : des climats froids. On remarque également l’absence de glace aux pôles.


Les continents ont une disposition différente de l’actuelle. Ceci vient du fait que, au début du Mésozoïque, tous les continents étaient assemblés et ne formaient qu’un seul supercontinent appelé la Pongée, avant de se séparer. « Si les dinosaures vivaient initialement tous sur le même continent, avec la dérive de ces derniers, ces animaux vont être séparés les uns des autres. » explique le Dr. Lionel Cavin. « De par le fait qu’ils ont évolué pour être mieux adaptés à leur environnement spécifique, ils sont devenus, avec le temps, de plus en plus typiques d’une certaine aire géographique. » continue ce chercheur spécialisé dans les faunes du Mésozoïque. Christopher Noto souligne que cette ère a été très longue, ce qui a permis une évolution importante. « Le Tyrannosaure rex se trouve plus éloigné dans le temps du dinosaure 
Allosaure que de l’homme ! »

Un squelette de Tyrannosaure. Avec ces 13 m. de longueur, 5 de hauteur et ces 7 tonnes de poids, il constitue un des plus grands carnivores n’ayant jamais foulé le sol de cette planète. Une ‘’version’’ moins gigantesque, l’Allosaure, a existé avant lui.

D’un point de vue climatologique, nous avons actuellement dans la région de l’équateur le plus souvent un climat présentant des températures élevées et des précipitations abondantes tout au cours de l’année. « A l’époque des dinosaures, la situation est différente étant donné que cette région (en jaune sur la carte) n’est pas humide tout le temps. » explique Christopher Noto qui a participé à la rédaction de l’article présentant cette carte. « Ceci vient d’une climatologie dans laquelle on rencontrait de gigantesques moussons. Mais ces dernières ne passaient pas sur cette région du globe. » continue ce scientifique. Les tropiques sont bordés au nord et au sud de déserts (en rose sur la carte). En continuant à progresser en direction des pôles on rencontre des climats de nouveau humides une partie de l’année (en rose clair), puis tempérés (en vert) et finalement près des pôles des régions froides (en bleu).
Comment sait-on cela ?

La première carte montre la diversité des plantes au Jurassique (plus le rond est grand plus il y a de plantes différentes connues à cet endroit grâce aux fossiles). La deuxième recense les endroits où l’on peut trouver du charbon (cercles noirs) et de l’évaporite (cercles blancs). La dernière montre où se trouvaient les dinosaures (comme pour les plantes, un cercle plus gros signifie que nous savons que vivaient à cet endroit un grand nombre d’espèces différentes).













« La formation du charbon fournit une indication sur le climat, puisque qu’il se forme dans des conditions humides. Les roches évaporitiques apparaissent dans des environnements caractérisés par une forte évaporation, indiquant des climats secs. » explique le professeur Noto. On remarque que les animaux ne se trouvent pas forcément là où il y a le plus de végétation. Ceci, comme nous l’avons vu ci-avant peut s’expliquer et est un phénomène également observable de nos jours. En ce qui concerne la flore, certaines plantes vivent dans des climats chauds, d’autres dans des environnements humides, etc. Leurs fossiles amènent donc aussi des indications sur leur environnement qui ont été prises en compte dans la carte des climats. Au niveau de la répartition des dinosaures, on remarque qu’elle est différente de celle des animaux actuellement. Si aujourd’hui la plus importante concentration se trouve dans la région équatoriale, celle-ci paraît peu habitée au Jurassique. On rencontre plutôt la vie aux latitudes moyennes, avec une biodiversité qui est la plus marquée dans l’hémisphère nord.

Un monde disparu de forêts tropicales ?
Pourtant, Christopher Noto appelle à la prudence dans l’interprétation de ces informations. « Le fait que l’on retrouve peu de fossiles dans les régions équatoriales ne veut pas forcément dire qu’elles ne supportaient pas des espèces variées. En effet, à supposer qu’il y ait eu une forêt tropicale, nous n’en retrouverions pas forcément de traces. ». Ceci vient du fait que les forêts ne sont pas propices à la fossilisation. Le os y sont rapidement dégradés, les plantes utilisant les minéraux qu’ils contiennent pour leur propre usage. De plus une carcasse ne va pas être recouverte, comme c’est le cas par exemple dans une rivière où des morceaux de roche, transportés par l’eau, vont le faire. Un autre aspect est qu’un animal mort va être dévoré par des carnivores ou des charognards. Les os des petits animaux ou les os de taille menue des plus gros vont être mangés et donc détruits. Comme nous l’avons vu précédemment ces endroits sont peuplés d’animaux de petite ou moyenne grandeur, ce qui fait qu’ils ont moins de chance qu’un gros d’être fossilisés. De plus, un os de dimension importante se conservera mieux qu’un petit, étant donné qu’il faut plus de temps pour qu’il soit dégradé par la nature. « Il est donc possible d’imaginer qu’un monde similaire aux forêts tropicales actuelles existait dans les régions équatoriales mais qu’aucun indice ne nous soit parvenu. » conclut Christopher Noto.
Par rapport aux régions tropicales peut également se poser un autre problème : la difficulté d’accéder à ces espaces qui limite les découvertes possible de fossiles. C’est le cas par exemple du Sahara, le troisième plus grand désert après l’Antarctique et l'Arctique, qui est d’une superficie plus importante que celle des Etats-Unis ! Le physicien Michael Arthur Paesler de la North Carolina State University (université d’état de Caroline du nord) aux Etats-Unis est en train de préparer une expédition ayant comme but la recherche de fossiles dans cette région géographique avec un … dirigeable. Ce scientifique a développé un radar permettant de détecter les fossiles qui sera embarqué dans l’appareil volant. « Etant donné que nous devrons travailler dans un environnement où il est difficile de faire fonctionner des ordinateurs, les informations récoltées avec le radar vont être envoyées à un satellite. Ce dernier va les transmettre en Amérique où elles seront analysées. »explique le professeur Paesler se réjouissant déjà des découvertes potentielles qu’une telle entreprise peut amener. En effet, cet endroit était loin d’être vide de vie. Nous savons qu’il s’y produisait des pluies épisodiques mais importantes par les signes que de tels événements ont laissé dans la terre. Les fossiles nous informent de la faune qui y vivait. Par exemple, en ce qui concerne les herbivores, ils étaient généralement d’une longueur allant de 6 à 15 mètres. Il est donc possible de s’imaginer ce désert il y a 100 millions d’années !

Désert du Sahara, il y a 100 millions d’années.



Ce reptile volant d’une envergue de quelque 70 cm. est un ptérodactyle.












Un ptérodactyle avait posé son long bec sur le sol. Avec le calme de la nuit, il s’était assoupit mais soudain il entendit un bruit. Se déplaçant en s’aidant de ses ailes, il alla jusque au bord du monticule qui lui servait de refuge. Il vit un troupeau de dinosaures Ouranosaurus nigeriensis se déplaçant en contrebas dans la plaine.

L’Ouranosaure était un dinosaure du désert, dont l’allure n’est pas sans rappeler celle du chameau. La crête sur son dos servait à dégager l’excès de chaleur absorbée pendant la journée après le coucher du soleil. Il possédait aussi certainement un mécanisme lui permettant de refroidir son cerveau le jour en connectant sa circulation sanguine avec des vaisseaux dont le sang se refroidissait en passant dans la région nasale.

Le ptérodactyle les observa, immobile, du haut de son rocher. A chacun de leurs pas les dinosaures enfonçaient dans le sable. Leur démarche était lente et lourde. Un petit, qui avait dû éclore de son œuf il n’y a pas si longtemps, peinait à suivre le rythme. Tout chez les Ouranosaures suggérait la fatigue. Il y avait des semaines qu’il n’avait pas plu et on ne pouvait jamais savoir quand la prochaine pluie arriverait. Les dinosaures étaient à la recherche d’un point d’eau, mais ces derniers s’étaient progressivement asséchés.
Le reptile volant regarda la plaine baignée de la lumière lunaire, sous une myriade d’étoiles. Déjà une lueur à l’horizon annonçait le lever du soleil. Dès que celui-ci commença à monter dans le ciel, l’air devint vibrant. Bientôt la température atteignit les 50°C. Les dinosaures se couchèrent, leur tête dans la direction de l’astre du jour afin de limiter leur exposition à la lumière. Le ptérodactyle déploya ses ailes, fit quelques bonds et sauta dans le vide. Accumulant la vitesse, il plana au-dessus des sables et des pierres. Déjà il commençait à ressentir sur ses ailes les effets de courants d’air chauds montant du sol brûlant. Son cerveau étonnamment volumineux, pour pouvoir analyser sa position et les équilibres subtiles nécessaires au vol, lui permettait de se déplacer dans l’air avec une agilité remarquable. Se mettant à décrire des cercles, il exploitait ces mouvements de l’atmosphère afin de monter, sans avoir besoin de battre des ailes. Loin du sol, la chaleur était plus tolérable.
A l’horizon se profilaient de gros nuages sombres : il allait enfin pleuvoir. En prévision le ptérodactyle atterrit et se trouva un abri entre des rochers. Bientôt le vent se mit à souffler le sable tandis que le ciel s’obscurcissait. Au loin on voyait un rideau de pluie avancer, accompagné d’éclairs, qui par intermittence illuminaient la plaine. Puis une pluie torrentielle se mit à tomber, créant des ruisseaux. Le ptérodactyle trempait son bec dans une large flaque venant jusqu’à ses pieds, avant de lever la tête pour se désaltérer.
Quelques heures après que la tempête eut passé des fleurs émergèrent à perte de vue du sol désertique. Les Ouranosaures marchaient, sans vergogne, sur ce tapis fleuri en le broutant.
En fin de journée, le ptérodactyle s’envola de nouveau. Il nota un parfum particulier, celui des premières plantes à fleurs qui peuplèrent cette planète. Sentant l’air tiède du soir s’écouler le long de ses ailes, il filait sur cette région aride qui semblait infinie, surmontée des couleurs orangées du soleil couchant.

Les dinosaures polaires.
 

Des dinosaures polaires













Une autre aire géographique qui est captivante de par les climats qui y régnaient ainsi que les solutions qu’a trouvées la vie pour s’y adapter sont les régions polaires. Ces parties du globe présentaient des environnements dont on ne peut plus trouver d’équivalent sur Terre aujourd’hui. Comme nous l’avons vu, les pôles avaient été colonisés par les reptiles. Par rapport aux hautes latitudes sud, bien qu’il y faisait moins froid que de nos jours, les températures tombaient au-dessous de 0°C une partie de l’année, comme le montre des traces dans des couches de terre, indiquant des sols gelés à cette époque. Une question qui se pose est de savoir si les dinosaures étaient des animaux à sang froid, comme les reptiles qui vivent de nos jours. « Il est difficile d’imaginer que des dinosaures puissent survivre à de telles latitudes dans ce cas. Dans les climats froids actuels, les seuls animaux qui sont actifs, tels les oiseaux et les mammifères, sont à sang chaud. Nous pouvons d’ailleurs trouver des dinosaures de la plupart des groupes dans des régions polaires. »explique le conservateur de la section paléontologie des vertébrés du musée Victoria à Melbourne(Australie), le Dr. Thomas Hewitt Rich. Il est en outre un des plus importants spécialistes des dinosaures polaires à l’échelle planétaire. Des indications montrent que certains dinosaures étaient effectivement actifs toute l’année, alors même qu’au niveau du pôle sud, cette région était plongée dans la nuit polaire trois mois par année. C’est le cas par exemple de Leaellynosaura, un dinosaure ayant de grands yeux et des lobes optiques très développés au niveau de son cerveau. « Ceci devait lui permettre de discerner même des petites créatures dans l’obscurité de l’hiver polaire. »continue ce paléontologue, coauteur du livre Dinosaurs of Darkness (Dinosaures de l’obscurité).

Leaellynosaura, un dinosaure de 60 à 90 cm. Il a été découvert par Thomas Rich et sa femme, la paléontologue Patricia Vickers-Rich. Ils le nommèrent suivant le prénom de leur fille Leah.





Mais ce n’est pas le cas de tous les dinosaures sous ces latitudes. Par exemple un dinosaure, Timimus hermani, hibernait !


Le dinosaure Tymimus, mesurant 3,5 mètre de long, a également été mis à jour et baptisé par le couple Rich.


 On arrive à cette conclusion en observant les os de ce dinosaure. « On peut y voir des lignes d’arrêt de croissance qui traduisent des périodes pendant lesquelles l’animal a arrêté de s’alimenter.» explique le Dr. Rich. Il s’agit d’un phénomène similaire aux cernes observables sur les coupes de troncs d’arbres, qui traduisent un temps où la plante a cessé de grandir en hiver. Ces structures ne sont pas visibles chez d’autres dinosaures, tel Leaellynosaura, qui continuait à vaquer à ses occupations durant la saison froide.
Des reptiles vivaient aussi dans le cercle polaire arctique. Par exemple le Spitzberg est une île balayée par les vents de l’Océan Arctique, à mi-chemin entre la Norvège et le pôle Nord. C’est sur cette terre que Jorn Hurum est en train de mettre à jour les ossements d’un monstre marin, un Pliosaure, long de 15 m et ayant des dents plus longues que celle d’un Tyrannosaure !

Le gros animal est un Pliosaure, un reptile aquatique ayant vécu à l’époque des dinosaures.












Pourtant, cette île avait déjà livré d’autres secrets : nous savons que des dinosaures y ont vécu, étant donné que l’on peut y trouver des traces laissées par leurs pattes. Bien que cette région se trouvait moins au nord lorsque ces empreintes ont été imprimées, elle appartenait au cercle polaire arctique. « Il devait y avoir de la neige en hiver. » estime le professeur Hurum.

La France et la Suisse au temps des dinosaures
Après avoir fait un tour du monde présentant les différents climats et des faunes qui y étaient associées au temps des dinosaures, peut encore la poser une question : mais à quoi donc ressemblaient la France et la Suisse? « Au Jurassique cette région était un archipel d’îles tropicales dans une mer aujourd’hui disparue, la Thétis. Ces terres pouvaient avoir une surface similaire à celle de l’actuelle Angleterre. » explique le Dr. Cavin. Des dinosaures y vivaient comme en témoigne leurs traces. Par exemple en Suisse existe un site paléontologique dans les Alpes. Etant le plus important du genre en Europe, il constitue un but d’excursion (pour en savoir plus).
En quoi ces informations sont-elles intéressantes par rapport au problème du changement climatique contemporain ? Outre le fait que les climats au temps des dinosaures peuvent nous montrer à quoi ressemble un monde avec plus de CO2, ils nous permettent également de tester les modèles utilisés par les climatologues pour prévoir les climats futurs. Dans ce cas, on va prendre en compte la répartition différente des continents, le fait que la Terre ne tournait pas à la même vitesse (les dinosaures avaient ainsi des jours une demi-heure plus courts que les nôtres !) et bien sûr, la concentration atmosphérique plus importante en dioxyde de carbone. Et le résultat …n’est pas exact.










La première carte est celle que nous avons vue précédemment. La seconde représente le résultat auquel on arrive en utilisant un modèle climatique. Les codes pour les couleurs pour les deux cartes sont les mêmes (en jaunes sont représentés des climats humides en été, en rose : des déserts, en rose clair : des climats humides en hiver, en vert : des climats tempérés et en bleu : des climats froids).










 Le modèle reproduit la succession de climats que l’on a vue sur la première carte. En allant de l’équateur aux pôles on y rencontre aussi une zone tropicale humide en été, des déserts puis des climats tempérés et froids. Les climats tempérés (en vert) représentés dans la région de l’équateur ne peuvent pas être confirmés ou infirmés, étant donné que les conditions qui existaient dans ces régions sont inconnues. Mais l’erreur la plus flagrante est qu’il y a trop de bleu (climats froids) pour les hautes latitudes dans la version générée par le modèle, particulièrement dans l’hémisphère sud. Le problème est que les modélisations prédisent un transfert de chaleur trop faible entre les latitudes basses et les pôles. Ainsi ils arrivent à des températures inférieures pour des régions qui abritaient par exemple de gigantesques herbivores. Le problème pourrait venir du fait que le modèle ne prend pas en compte la végétation. Les climatologues utilisent ces informations pour corriger les modèles. Ceci permettra d’avoir des prédictions plus précises des climats du futur.

« Le changement climatique pourrait amener une nouvelle extinction. »
Au-delà de la question des changements climatiques, une autre interrogation est de savoir comment la faune réagirait en cas d’une augmentation très importante du taux de dioxyde de carbone. Nous avons vu que pendant 40 millions d’années la vie a évolué sur cette planète sous une atmosphère enrichie en CO2. Les animaux se sont adaptés à une répartition des climats fort différente de la nôtre comme nous l’avons vu avec les exemples des dinosaures Ouranosaurus, Leaellynosaurus et Timimus. Peut-on en déduire que la vie et beaucoup de CO2 pourrait aussi coexister dans le futur ?
Pour Lionel Cavin : « Des climats plus chauds est une situation normale pour notre planète. ». Quant à Jorn Hurum il estime que les réchauffements climatiques passés ont vu l’apparition de beaucoup de nouveaux animaux et non des grandes extinctions. « Celles-ci surviennent en cas de refroidissement. Ceci ne correspond évidemment pas au message que l’on entend généralement aujourd’hui. »précise ce chasseur de fossiles. Lionel Cavin juge également qu’une corrélation existe entre température et biodiversité : « Par exemple, pour les ères passées, on observe que plus la température des eaux marines est élevée plus la diversité des poissons est importante. ». Jorn Hurum conclut que le problème concerne essentiellement l’homme étant donné que ce dernier habite à des endroits qui vont être inondés si les glaces polaires fondent. Lionel Cavin, quant à lui, souligne l’importance du problème du passage d’un climat à un autre: « Si un climat 5° C plus chaud qu’actuellement s’installait, ceci ne poserait pas de problème sur le long terme. Par contre le changement d’un climat à un autre peut être dangereux ». Thomas Rich partage ce point de vue en expliquant que cette transition risque d’être désastreuse parce que les animaux qui étaient adaptés à vivre dans des conditions d’effet de serre important ne sont pas ceux qui existent actuellement. « Les variations rapides causent des problèmes aux organismes vivants.» continue-t-il. Christopher Noto adhère à cette idée : « Des variation des taux de CO2 se sont déjà produites dans le passé, mais sur des périodes beaucoup plus longues que ce que l’on voit actuellement. ». Pour ce scientifique, lors de ces événements les animaux ont évolué, se sont adaptés ou ont disparu. Lorsqu’ils se produisent trop rapidement, la faune n’a pas le temps de changer. « Ceci cause des extinctions massives. » ajoute ce chercheur.

                                                                   Gaëtan Dübler

samedi 2 août 2008

Comment l'effet de serre a-t-il été découvert?

Au cœur de la problématique du réchauffement climatique se trouve l’effet de serre. Pourtant, savez-vous comment ce dernier a été mit en évidence? Un retour sur l’histoire de la climatologie amène des éléments inattendus.

Cette soirée de 1859, la pluie tombait sur les pavés de Piccadilly Circus (célèbre place se trouvant à Londres en Angleterre) sur lesquels s’étiraient de longs reflets argentés émanant des becs de gaz. Un fiacre, arrivant de Shaftesbury Avenue rompit le silence de la nuit. Il emprunta ensuite Regent Street, où il disparut, ne laissant derrière lui que l’écho déclinant du bruit de sabots dans les dédales de la cité. Non loin, sur Albemarle Street, se trouvait un grand bâtiment. Sous le fronton, soutenu par de lourdes colonnes et sur lequel des lettres gravées dans la pierre indiquaient « The Royal Institution of Great Britain » (Institution royale de Grande Bretagne), malgré l’heure tardive, une fenêtre était toujours illuminée. Sous la lumière vacillante des becs Bunsen (appareils de laboratoire permettant de générer une flamme avec du gaz), un scientifique auscultait une étrange machine qu’il venait de terminer d’assembler. Puis il s’approcha de ses tuyaux, tourna des vannes, un sifflement se fit entendre et du dioxyde de carbone emplit un long tube. Cette expérience devait résoudre une des plus grandes énigmes de la science de l’époque. Il était alors connu que la Terre avait traversé des ères glacières ; comment était-ce possible que le climat se soit modifié de façon aussi drastique ? La science s’était déjà penchée sur cette question. Joseph Fourrier, un physicien français, avait proposé en 1824 que ces changements climatiques venaient de modifications de la composition de l’atmosphère terrestre. Comment était-il arrivé à cette conclusion ? Les chercheurs savaient alors que notre planète, de par la chaleur qu’elle reçoit du Soleil, devrait être tellement froide que toute sa surface pourrait être recouverte de glace. Il fut donc postulé que quelque chose y retenait la chaleur. Joseph Fourrier fit alors l’expérience suivante : il mit une boîte sur laquelle se trouvait une vitre sous le soleil. Il constata alors que la température augmentait à l’intérieur de son dispositif. D’après lui, l’atmosphère jouait le même rôle pour le globe que le verre pour la boîte. Cette expérience allait plus tard inspirer le nom du phénomène qu’il avait découvert : l’effet de serre.

L’effet de serre est mal nommé !
Pourtant, cette analogie est erronée. La raison pour laquelle la température augmente à l’intérieur de la boîte ou la serre est que l’air y est confiné. On peut se rendre compte de ceci en ouvrant une fenêtre dans une serre: la température diminue alors jusqu’à être identique à celle de l’extérieur. Dans le cadre de l’effet de serre de l’atmosphère, celui-ci vient du fait que cette dernière laisse entrer la lumière solaire mais filtre le rayonnement infrarouge comme nous allons le voir ci-après. Une vitre n’a pas de telles propriétés. L’effet de serre est donc mal nommé !
Pourtant, ce modèle alors accepté comme valide, la question était comment l’atmosphère joue-t-elle le rôle de la vitre ? C’est précisément à cette question que devait répondre les expériences que notre scientifique de la Royal Institution, John Tyndall, avait mit au point.












John Tyndall

La première étape fut d’extraire des gaz constituant l’air comme l’oxygène, l’azote, la vapeur d’eau et le CO2. Le dioxyde de carbone était alors obtenu en distillant de l’air (la distillation est un processus qui permet en chauffant de séparer des substances chimiques). Se pose alors une autre question : les rayons du soleil traversent l’atmosphère pour venir chauffer la Terre. Si cette chaleur est venue de l’univers, pourquoi est-ce qu’elle ne peut pas complètement y retourner et qu’elle réchauffe ainsi la Terre ? L’énergie qui nous provient du cosmos va réchauffer le sol et les océans. Ceux-ci vont ensuite se refroidir en émettant ce que Joseph Fourrier appelait une « chaleur obscure ». Cette dernière va être ‘’prisonnière’’ de l’atmosphère.
Une lumière invisible
Quelle est cette mystérieuse chaleur ? En 1800, une découverte lui avait donné un visage. Un compositeur et astronome anglais, Sir Frederick William Herschel, était en train de faire une expérience avec un prisme (il s’agit d’un élément transparent qui va décomposer la lumière en différentes couleurs, comme le font les gouttes d’eau lorsqu’il y a un arc-en-ciel).

On voit ici un prisme (la forme pyramidale). A droite, en bas, un rayon de lumière l’atteint. Un deuxième est réfléchi et part vers le haut tandis qu’une autre partie le traverse en se décomposant en couleurs.

Par hasard un thermomètre était posé sur sa table de travail, mais à côté du spectre, c'est-à-dire la décomposition de la lumière en couleurs. Quelle ne fut la surprise pour ce scientifique de voir la température indiquée par cet instrument grimper en flèche… alors que la lumière ne l’atteignait pas ! Sir Herschel réalisa ensuite que le thermomètre se trouvait juste au-dessus de la partie rouge du spectre -que l’on voit sur notre image en haut du rayon qui a traversé le prisme - . Il en déduisit qu’il devait y avoir, au-delà du rouge, une lumière invisible qui transporte la chaleur. C’est ce que nous appelons actuellement la lumière infrarouge. Si cette lumière n’est pas perceptible pour l’être humain, elle l’est pour d’autres animaux comme certains serpents grâce à des recepteurs se trouvant sur leur tête. Etant donné que, après que le soleil ait chauffé la Terre, celle-ci émet cette chaleur sous forme de lumière infrarouge, John Tyndall devait utiliser cette dernière pour mesurer quelle était l’absorption de chaleur de différents gaz constituant notre atmosphère. Comment générer une telle lumière ? La réponse est étonnamment simple : tout corps chaud en émet.

Votre animal domestique émet de la lumière ! Ici, un chat vu en infrarouge. Les parties claires sont celles qui émettent le plus, c'est-à-dire les parties chaudes ou celles ayant des déperditions de chaleur importantes. Il s’agit des yeux, la bouche et les oreilles. On voit aussi que son nez est relativement froid par rapport au reste du corps.

On comprend dès lors pourquoi certains reptiles peuvent détecter la lumière infrarouge: ceci leur permet de parfaitement localiser leurs proies, et ce même au sein de la nuit la plus noire. Mais revenons à l’expérience de John Tyndall. Pour générer de la lumière infrarouge il va donc créer un corps chaud en mettant de l’eau chauffée dans un récipient. Un tel dispositif s’appelle un cube de Leslie parce qu’il a été mit au point par un physicien anglais, Sir John Leslie (en 1804).


On voit ici l’instrumentation utilisée par John Tyndall pour son expérience.

Le mécanisme de l’effet de serre élucidé

Sur l’image, à gauche sur le meuble de gauche, on voit un cube sous lequel se trouve un bec Bunsen. Il s’agit d’un cube de Leslie (la ‘’tringle’’ qui en sort est un thermomètre pour mesurer la température de l’eau). On remarque un élément similaire monté à droite, à l’extrémité du long tube horizontal. Dans ce dernier se trouve le gaz dont on veut étudier l’absorption de chaleur. Ces extrémités sont fermées avec un matériau transparent afin d’y confiner le fluide étudié tout en laissant la lumière infrarouge émise par le deuxième cube de Leslie traverser cette structure. On voit sur le meuble de droite un objet composé d’un support et de deux cônes. Il s’agit d’une thermopile. Qu’est-ce que c’est que ça ? A l’intérieur se trouve une bobine de fil particulière qui a la propriété, si on en chauffe une partie, de créer de l’électricité. (Ce type de piles connaît certaines applications de nos jours, par exemple pour alimenter des processus industriels nécessitant rapidement des quantités importantes d’électricité. Mais ce phénomène n’est pas utilisé à grande échelle à cause de son mauvais rendement). Dans notre expérience, la lumière infrarouge venant des cubes va entrer par les cônes de la thermopile. Plus la différence de température est importante entre les deux côtés, plus elle va générer d’électricité. Elle est connectée par des fils à un autre instrument posé sur le tabouret : il s’agit d’un galvanomètre, un dispositif capable de mesurer les courants électriques. Donc plus le gaz dans le tube va absorber de chaleur, plus la différence de température dans la thermopile va être importante et plus elle va générer de courant. Ce dispositif nous permet donc de mesurer l’absorption de chaleur d’un gaz. (Au niveau des autres instruments utilisés dans cette expérience, on voit à droite de la thermopile un écran. Les autres servent à générer les fluides d’intérêt).
Quels furent les résultats de cette expérience ? Parmi les gaz parfaitement translucides et invisibles constituant notre atmosphère, certains absorbent de la chaleur une fois traversés par de la lumière infrarouge ; il s’agit de la vapeur d’eau et du dioxyde de carbone. Il y a donc quelque 150 ans, le mécanisme de l’effet de serre était élucidé !

Vers une élévation de la température ?

Pourtant, à l’époque, si cette théorie était vue comme ayant un intérêt pour expliquer les glaciations passées par des variations de la concentration de CO2 dans l’atmosphère, elle ne semblait pas être intéressante par rapport au climat contemporain. Ce n’est que 72 ans plus tard, en 1896, que deux scientifiques suédois, un géologue, Arvid Högbom et un chimiste, Svante Arrhenius, firent des estimations pour arriver à la conclusion que le C02, généré par la combustion du charbon, pourrait amener à une élévation de la température terrestre. Pourtant ceci n’apparut pas à l’époque comme dangereux, étant donné qu’avec les quantités de dioxyde de carbone générées, il aurait fallu beaucoup de temps avant d’arriver à une situation problématique. De plus, pour des scientifiques d’un pays nordique, une élévation de température aurait été plutôt bienvenue. L’idée naquit de modifier délibérément le climat terrestre. Le physicien allemand Walter Nernst, prix Nobel, avait proposé de faire brûler du charbon inutile afin de réchauffer le globe !
Dans les années qui suivirent, le CO2 continua à être perçu comme inoffensif. En effet, beaucoup pensaient que les océans pouvaient absorber le dioxyde de carbone qui était rejeté dans l’atmosphère. Rapidement, un autre mécanisme de régulation de la nature fut proposé : si les océans contiennent plus de CO2 que l’atmosphère, il en va de même avec la matière vivante. Il était donc estimé que même si l’eau n’était pas capable d’absorber tout le CO2 émis, la végétation s’en chargerait. L’idée est qu’une élévation de la concentration de dioxyde de carbone atmosphérique fait que les plantes poussent plus rapidement. Celles-ci utilisant le CO2 pour la photosynthèse, plus de plantes feraient que plus de CO2 disparaîtrait de l’atmosphère et tout reviendrait finalement à la normale.
Pourtant, en 1938 un ingénieur anglais du nom de Guy Steward Callendar réalise que la concentration de dioxyde de carbone et la température augmentent. Cette constatation allait raviver l’intérêt des scientifiques pour cette question et les mesures de la concentration de CO2 atmosphérique allaient progressivement être perfectionnées à partir de 1960. Les relevés de la température terrestre allaient également voir une évolution. A la fin des années 70, les satellites se mettent sur cette tâche. D’autres axes de recherches vont apparaître comme l’étude des variations du CO2 atmosphérique passées et ses implications sur le climat.

La mémoire du Magnolia

Par exemple les années 90 virent des travaux s’intéressant à des plantes qui ont peu évolué depuis l’époque des dinosaures, comme le Magnolia.

Une fleur de Magnolia. Comme ces plantes se développèrent alors que les abeilles n’existaient pas, elles sont conçues pour être pollinisées par des coléoptères ! (Les coléoptères sont des insectes, telles les coccinelles, qui se distinguent par leurs ailes particulières. C’est l’ordre des animaux qui regroupe le plus d’espèces).

Si ces plantes sont exposées à des taux de C02 important, la structure de leurs feuilles va être différente. Les fossiles révélèrent de telles modifications. Etant donné qu’à l’époque des dinosaures les climats étaient généralement plus chaud qu'aujourd'hui, ceci confirme qu’un taux de dioxyde de carbone important y était associé.
Avec le temps la vision de l’effet de serre s’est complexifiée bien que celle popularisée dans les médias depuis les années 60 corresponde à celle faite par Joseph Fourrier. Plus précisément, le rayonnement infrarouge émis par le sol va, au cours de sa traversée de l’atmosphère, être progressivement filtré. A mesure que cette lumière monte, une partie sera absorbée par l’air qui ainsi se chauffe. Celui-ci se met lui-même à émettre de la lumière infrarouge dans toutes les directions, qui chauffe à son tour de l’air, etc. Il convient alors de se représenter l’atmosphère comme une juxtaposition de tranches. Seulement au niveau de la tranche supérieure de la troposphère (couche de l’atmosphère allant du sol jusqu’à une altitude de 6 à 20 km suivant les emplacements) cette lumière part dans l’espace. (Les couches supérieures jouent un rôle négligeable dans ces phénomènes). Que se passe-t-il si on augmente la concentration de C02 dans l’atmosphère ? Cette dernière tranche contiendra plus de dioxyde de carbone, ce qui va faire que la lumière infrarouge aura plus de difficulté à la traverser. Ceci diminue la quantité de cette lumière émise par la Terre. Cette tranche chauffe donc, émet de la lumière infrarouge, qui chauffe les tranches inférieures, qui se mettent elles-mêmes à émettre de la lumière infrarouge, ... C’est ainsi que toute l’atmosphère se réchauffe.
L’intérêt de ce modèle, utilisé pour les simulations informatiques de l’évolution de la température dans le futur, est de voir qu’au niveau du réchauffement tout va être conditionné par la dernière tranche de la stratosphère. C’est elle qui détermine combien de lumière infra rouge part dans l’espace. C’est de cette tranche que dépend le refroidissement ou le réchauffement de notre planète bleue.

Gaëtan Dübler


Al Gore mis en échec par des historiens!

Est-il vrai que notre monde est en train de devenir chaotique à cause du changement climatique comme montré dans le film Une vérité qui dérange du prix Nobel Al Gore ? Y a-t-il une augmentation des extrêmes climatiques de nos jours ? A quoi ressemblaient les climats du passé? Des scientifiques pensent que le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) s’est trompé sur ces questions. Départ pour un étonnant voyage dans le temps et les civilisations anciennes.



Université de Yale, Etats-Unis, 1964. Au pied de l’Harkness tower (tour d’Harkness) de rageuses bourrasques de vent constituaient de profondes congères. D’après la légende, cet édifice aurait été le plus grand jamais construit avec des pierres. Des statues et des masques d’Aristote, d’Euclide et de Shakespeare se prolongeaient par de longues coulées de glace. Parfois dans le parc passaient des membres des sociétés secrètes se rendant à leur culte bizarre (l’Université de Yale est connue pour de tels groupes comme les skull and bones, le crâne et les os, dont ont fait partie entre autres les deux présidents Bush. Cette institution est par ailleurs spécialisée dans la formation des élites de cette nation). Ces silhouettes floues semblaient par instant se perdre dans les vagues de vent et de neige venues du ciel avant de réapparaître, certaines remontant le col de leur manteau.

UNE DECOUVERTE INCROYABLE
Plus loin, un perron dont on ne pouvait plus distinguer les marches sous l’amoncellement de neige et encadré de deux lanternes qui diffusaient un halo dans lequel passaient des flocons soufflés et tarabustés dans toutes les directions. Plus haut, d’une fenêtre illuminée on pouvait voir un homme aller et venir dans la pièce. Puis, il alla se rasseoir à son bureau, prit une des nombreuses tablettes portant des inscriptions en écriture cunéiforme, entassées autour de lui. Passant délicatement sa main sur l’argile afin d’en enlever quelques grains de sable d’un pays lointain, il s’en remémora l’histoire de sa découverte. En 1933 en Syrie, des hommes portants des turbans et de longs manteaux, accompagnés de chameaux, cheminèrent jusqu’à une butte sur laquelle ils comptaient enterrer un bédouin décédé de leur tribu. Ils se mirent à creuser pour bientôt découvrir une statue. Lorsque les autorités françaises – qui contrôlaient alors cette nation- l’apprirent, des archéologues du musée de Louvre se rendirent sur le site. Rapidement un temple fut découvert, puis une ville entière, celle de Mari. Dans un palace de plus de 260 chambres se trouvaient 20 000 de ces tablettes cunéiformes.
Le professeur en assyriologie et en littérature babylonienne de l’université de Yale, du nom de William W. Hallo, se plongea ensuite dans la succession de signes mystérieux qu’une main imprima 4 millénaires plus tôt (nous savons décrypter l’écriture cunéiforme depuis 1851). Déchiffrant symbole après symbole, il se rendit bientôt compte qu’il venait de faire une découverte sensationnelle. Le texte relate l’itinéraire d’un voyage en Mésopotamie (une aire géographique se situant entre le Tigre et l’Euphrate, correspondant actuellement à l’Irak ainsi que des parties de la Syrie, la Turquie et l’Iran. C’est là que sont apparues les premières civilisations dont les empires sumérien, babylonien et assyrien entre le 5e millénaire et le 6e siècle av. J.-C.). Le texte parle de la capitale, Tell Leilan, d’un pays dont on ne connaissait l’existence que par des tablettes qui avaient été retrouvées dans l’ancienne ville de Babylone. Il donne également les distances entre les différents points d’un voyage. Reporté sur une carte moderne, cet itinéraire permit de déterminer l’endroit où devait se trouver cette cité enfouie sous les sables. Pourtant, une partie des archéologues doutèrent de son existence. « A l’époque rien n’était certain. » se remémore Harvey Weiss, un spécialiste des civilisations du Moyen Orient de l’Université de Yale. Pourtant, en 1978, cet archéologue se rend en Syrie, à l’endroit désigné sur la carte par le texte retrouvé à Mari. Il se met à creuser sur un monticule se trouvant entre deux pistes pour mettre à jour un temple à colonne magnifiquement décorées, puis un autre. Il découvre ensuite un mur d’enceinte haut de 15m et large de 18m. En 1981, le Dr. Weiss explique à un journaliste du New York Times qu’il « espère terminer la fouille d’ici l’été prochain. »[i]. Depuis les décennies ont passé et le papier de l’article a jauni. Mais l’archéologue se trouve toujours sur son site de Tell Leilan. La raison en est que ce dernier avait encore à livrer des secrets avant qu’Harvey Weiss puisse le quitter. Ses fouilles montrèrent que cette métropole avait été désertée subitement. Qu’est-ce qui avait poussé les habitants à partir ? Il en va de même avec d’autres villes de cet empire, Akkadien, qui s’est alors effondré.

L'EMPIRE EGYPTIEN SE TRANSFORME EN ANARCHIE


Plus troublant encore : l’Ancien Empire d’Egypte, qui construisit les pyramides, se transforme en anarchie en même temps ainsi que d’autres civilisations en Palestine, en Grèce et en Crète. Toutes atteignent leur pic économique en 2 300 av J.-C. puis disparaissent. « Ce fait était très étrange. Comment des sociétés avec des organisations et des structures politiques différentes peuvent-elles toutes subir le même sort à ce moment précis ? Seul un élément ayant un pouvoir interrégional, hémisphérique pouvait expliquer une telle situation. » explique Harvey Weiss. Il va ensuite s’appliquer à rechercher la cause de ceci. Bientôt les indices s’amoncellent ; une sécheresse a été telle dans cette région que même les vers de terre n’ont pas survécu comme le montra l’analyse d’échantillon de sol. «Au niveau des strates, on observe une ligne de poussière qui a été charriée par le vent à Tel Leilan ainsi qu’à beaucoup d’autres endroits. Ceci est le signe de sols secs et donc d’une diminution drastique des précipitations. » ajoute ce professeur. Des études des pollens permettent aussi de montrer une transformation de la végétation avec des plantes adaptées à des conditions arides. « En Egypte, on met en évidence une diminution de 30 à 40 % du débit du Nil grâce à des recherches qui ont été réalisées aux deux bouts de ce fleuve. » précise l’archéologue. En effet, c’est ce que montre des études du delta du Nil aussi bien que les niveaux des lacs de l’Afrique de l’est où le fleuve prend sa source.
Le sud de la Mésopotamie fut moins touché par cette sécheresse grâce à l’irrigation de son agriculture. Il y eut un afflux de réfugiés climatiques vers cette région. Afin de tenter de contrôler cette immigration, l’empire construisit un mur de 180 km. de long.

UN CURIEUX RAPPORT DE LA NASA
Ceci n’est pas sans rappeler un rapport de la NASA sur le changement climatique et ses implications sur la sécurité nationale des Etats-Unis qui pronostique que ces derniers auront un jour à construire de telles fortifications pour repousser des réfugiés [ii]. D’après ce document, des modifications climatiques importantes amèneraient des populations à manquer de nourriture, d’eau potable et d’accès à des sources d’énergie. Comme le rappelle l’archéologue de l’Université d’Harvard aux Etats-Unis Steven LeBlanc, depuis la nuit des temps, l’homme fait la guerre pour arriver à se procurer ces denrées.
Ces conditions conduiraient rapidement la Chine à des instabilités politiques graves. Le Bangladesh serait inhabitable. L’élévation du niveau des mers ferait que l’eau douce serait contaminée par de l’eau salée. Une émigration massive prendrait place, causant des tensions en Chine et en Inde ainsi que des guerres de prédation pour se procurer des denrées alimentaires, de l’eau et de l’énergie. En 2015 la Russie et la Chine signeraient des accords stratégiques à propos des ressources en énergie de la Sibérie et de Sakhaline (une île russe couverte de forêts dans l’océan Pacifique et ayant des ressources importantes en pétrole, charbon et gaz). 2018 verrait la Chine intervenir au Kazakhstan pour protéger les pipelines régulièrement attaqués par des rebelles et des criminels. 2020 : le climat de l’Europe ressemblerait à celui de la Sibérie actuelle et des famines commenceraient (les auteurs estiment dans ce rapport que le changement climatique pourrait amener à la disparition du Gulf Stream, un courant marin de l’océan Atlantique, ce qui engendrerait d’après eux un refroidissement de l’Europe).

« EN 2025, L'UNION EUROPEENNE EST AU BORD DE L'EFFONDREMENT »
En 2025, l’Union Européenne serait au bord de l’effondrement. La Chine, en guerre civile, se battrait contre les Etats-Unis dans le Golf. L’Australie et les Etats-Unis construiraient des forteresses sur leurs frontières pour repousser les immigrants affamés des îles Caraïbes, du Mexique et d’Amérique du Sud. Les Etats-Unis et le Canada s’allieraient, ne créant plus qu’un seul pays. Les armes nucléaires prolifèreraient. Le Pakistan, l’Inde et la Chine, en conflit pour des terres arables et en possession d’armes nucléaires pourraient alors faire dégénérer la situation vers des scénarios de guerres encore plus catastrophiques pour l’humanité.
Mais revenons à l’antiquité. D’autres sociétés vont s’effondrer suite à des changements climatiques. 400 ans après la fin de la civilisation akkadienne, c’est au tour de celle de Tiwanakou dans les Andes. La raison en est de nouveau un manque de pluie. A cette période le lac Titicaca, se trouvant dans cette région, va voir son niveau descendre de 10 mètres.
L’effondrement de la civilisation Maya au 9ème siècle après J.-C. correspond à la sécheresse la plus sévère et longue de ce millénaire.
Les sécheresses associées aux effondrements de ces civilisations ont été plus importantes que celles que l’on a pu observer aux 19e et 20e siècles.

LE CLIMAT DEPUIS L'AN MIL


La pierre ici, loin de figurer son poids, exprime un élan vertical par des colonnes qui semblent trop légères pour supporter la gigantesque masse des voûtes se trouvant à des hauteurs vertigineuses. A travers les vitraux passent des rais de lumière, matérialisés par des grains de poussière en suspension dans l’air, qui vont faire des tâches claires sur le sol. Des hommes, qui semblent minuscules dans cette architecture aux dimensions impressionnantes, sont en train de soulever sur leurs épaules le support sur lequel se trouve une statue d’une vierge noire. Puis la procession sort de l’église, passant de l’air frais à la canicule de l’été, de la pénombre au soleil éblouissant, les pénitents étant soudain éclaboussés de lumière. Devant marchent les clercs, en soutane et en manteau de cérémonies richement décorés, tenant les bannières de procession ainsi que des crucifix qui paraissent étincelants sous le soleil, ensuite les fidèles. La procession traverse ainsi la ville, rejoint les campagnes, passe entre les champs aux cultures détruites par la sécheresse avant d’arriver sur le bord de mer. Là, la statue de la vierge sera délicatement descendue de son support et les hommes d’église portent la sculpture dans l’eau avant de la baigner. Il s’agit de l’une des innombrables processions qui a été organisée en France sous l’Ancien Régime (période précédant la révolution) pour apaiser la colère divine, qui était alors vue comme la cause d’événements climatiques extrêmes. D’autres moyens allaient être utilisés comme la prière, les oraisons ou encore la chasse aux sorcières. Malgré ces efforts, les archives de cette époque sont pleines d’inondations, de ponts emportés par des rivières en crue, d’avalanches soufflant des maisons. Une base de données, la plus sophistiquée à l’échelle planétaire dans ce domaine, existe en Suisse. Du nom Euro-Climhist, elle contient plus de 1,5 millions d’entrées. La France est également en train de mettre en place une telle ressource, dans le cadre du projet RENASEC (Les REfus de la Nature. Sociétés et Extrêmes Climatiques). Les documents contenant des informations sur les climats sont répertoriés. Il s’agit des dates des vendanges, des moissons, de la récolte du foin etc. mais aussi des processions météorologiques que nous venons de voir, des mesures de températures qui furent réalisées à partir de 1656 à L’Observatoire de Paris. Les variations des taches solaires sont également prises en compte, ces dernières traduisant l’activité de l’astre du jour. En France, les archives départementales, nationales et municipales sont passées au crible fin. « Les registres de délibérations municipales sont particulièrement utiles. » constate Emmanuel Garnier qui est l’historien attitré des projets OPHELIE (Observations PHEnologiques pour reconstruire le cLImat de l’Europe) et RENASEC.

L'historien Emmanuel Garnier
En effet, ces documents débutent en 1450 et consignent entre autres des informations sur le temps. « La raison en est que les événements météorologiques ont un impact économique. Par exemple, en cas de sécheresse, il y avait moins d’eau dans les rivières, ce qui signifie que l’on ne pouvait plus faire tourner les moulins avec des roues à aubes. Ceci veut dire plus de mouture et donc pas non plus de farine sur les marchés. Il y avait alors un risque d’émeute. » continue le chercheur. Les sources administratives sont également utilisées, comme celles des Ponts et Chaussées, des Eaux et Forêts et de la Marine. Dans le cadre du projet OPHELIE, il a également été demandé aux particuliers d’envoyer les archives en leur possession qui touchent au climat. « Nous avons reçus beaucoup de copies de journaux personnels faisant allusion à des événements climatiques. » constate Emmanuel Garnier. Ces journaux étaient parfois tenus pendant 50ans (dans ce cas plusieurs membres d’une famille se relayaient). En Suisse, des journaux de moines ont été fouillés. Un autre exemple de documents utilisés pour Euro-ClimHist sont les registres du port de Stockholm qui existent de 1543 à 1893. Comme ils indiquent chaque fois qu’un bateau entre ou sort du port, il est possible d’en déduire les périodes pendant lesquelles il était gelé.

« IL Y EUT PLUS D'OURAGANS AU 18e QU'AU 20e SIECLE»
Il serait erroné de s’imaginer, comme le suggère le film Une vérité qui dérange de l’ancien vice-président Al Gore que le climat terrestre n’a été que récemment marqué par des événements extrêmes à cause du réchauffement climatique. Le Dr. Christian Pfister, un historien du climat de l’Université de Berne qui a mis en place la base de données Euro-Climhist, remarque que « La plus importante crue du Rhin durant le second millénaire se produisit en 1342. Tous les ponts ont été détruits et à Frankfort la surface de l’eau se trouvait à la hauteur des toits des maisons, à 7 mètres au-dessus du niveau de la deuxième plus haute inondation dans cette région ! ».

Le Dr. Christian Pfister
L’hiver le plus froid du dernier millénaire a été celui de 1364. « Il y avait 4 mètres de glace sur le Rhône. » explique ce professeur. Il y a aussi l’année 1473, la plus chaude et la plus sèche du millénaire. « Les conditions furent telles que les arbres perdirent toutes leurs feuilles en août. » continue cet historien. Les ouragans sont également des événements que l’on rencontre dans la passé. Par exemple, en 1999 les forêts de France, de Suisse, d’Allemagne et du Danemark étaient dévastées par un ouragan appelé Lothar. On peut voir un phénomène très similaire en 1739 avec un itinéraire et des pressions barométriques (mesurées à l’Observatoire de Paris) proches. En France le château de Fontainebleau est alors endommagé, des toitures sont emportées et des arbres tombent. Dans une forêt à Mulhouse 8000 chênes s’effondrent. « Dire que l’histoire est un éternel recommencement correspond à une réalité pour les tempêtes. » estime Emmanuel Garnier. Alors que l’idée d’une augmentation du nombre des tempêtes dues au réchauffement climatique est souvent présentée dans les médias, voire que la tempête serait un indicateur très fiable du changement climatique, ce professeur estime que « ces postulats sont faux. Par exemple il y a eu plus de tempêtes et d’ouragans au 18e qu’au 20e siècle! ». Christian Pfister confirme que : « Le siècle passé est atypique de par le fait que l’on y rencontre, en Europe occidentale et centrale, peu d’événements climatiques extrêmes par rapport aux autres. ». Concernant l’idée que les dégâts générés par l’environnement sont aujourd’hui plus importants, Emmanuel Garnier estime que « Dans bien des cas ce n’est pas tant le risque climatique qui a augmenté mais la vulnérabilité. ».
L’idée exposée dans le film d’Al Gore que le climat serait en train de se modifier n’est pas nouvelle. Par exemple dans les années 1820-30, les montagnes françaises étaient moins enneigées. « Il y a alors un consensus comparable à l’actuel, y compris dans les discours officiels, stipulant qu’il y aurait un dérèglement des saisons, des hivers de moins en moins neigeux. » constate Emmanuel Garnier.
La question du changement climatique a été à la mode à d’autres époques, comme aux 16e et 17e siècles. « Il faut se méfier du bon sens populaire, parce que les gens oublient très rapidement l’histoire du climat. Au bout de 20 ans une catastrophe climatique est effacée des mémoires. Par exemple, aujourd’hui peu nombreux sont ceux qui se souviennent de la canicule de 1976! ».

« ON TRAVERSE LE RHONE A PIED. »
Si, en ce qui concerne les événements climatiques violents, ces études ne confirment pas ce à quoi on se serait attendu, un autre point est également troublant : l’évolution des températures. « Quand j’ai débuté mes recherches, la vision était que les 500 dernières années furent marquées par le petit âge de glace, c'est-à-dire une période froide qui aurait duré du début du 14e siècle jusqu’en 1850. » explique Emmanuel Garnier. S’il a effectivement noté des périodes froides, comme le montre par exemple le fait que la Seine et le Rhône gelaient, il constate aussi des épisodes très chauds marqués par des sécheresses. En 1480 à Lyon, la population meurt de chaud et de soif à cause d’un tel événement climatique. « Le corps des métiers des artisans va alors être décimé. On enregistre un doublement de la mortalité d’août à septembre alors que l’on traverse le Rhône à pied. » explique le chercheur. Les années 1705 à 1725 sont aussi marquées par des périodes caniculaires et des sécheresses terribles de 4 à 5 mois en région parisienne. En Languedoc-Roussillon (région du sud de la France au bord de la mer Méditerranée) elles durent une à deux années. « Il s’agit de phénomènes comparables à ceux que l’on voit au Sahel de nos jours avec des problèmes d’accès à l’eau et une désertification des campagnes.» précise Emmanuel Garnier. Ceci va amener à des déplacements de populations ainsi qu’à des conflits ethniques. Par exemple, en 1612 à Narbonne, une ville se trouvant dans le Languedoc-Roussillon, la communauté berbère (originaire d’Afrique du nord) est accusée d’être la cause d’une sécheresse en générant la colère divine avant d’être expulsée par bateaux à destination de l’Afrique.

« NOTRE VISION DES CLIMATS DEVRA CHANGER. »
Chrisitan Pfister confirme ce point de vue: « Notre vision des climats passés devra changer. Les reconstitutions du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) sont entre autres basées sur la dendrochronologie (l’étude des anneaux de croissance des arbres. Pour la reconstitution des climats passés, on estime que plus le tronc a grandi, plus il faisait alors chaud). Cette technique ne donne des indications que pour la période où la plante pousse, c'est-à-dire 30 à 40% des variations climatiques au cours d’une année. Si vous avez les données aussi pour la saison froide, la reconstitution du climat va être différente. Par exemple, en Europe occidentale et centrale, le 12e siècle a été plus chaud que ce que ces courbes montrent. » ajoute le Professeur Pfister. Nous mettons le doigt ici sur la fameuse polémique de la courbe en canne de hockey, MBH 99 (MBH sont les initiales du nom des trois scientifiques qui ont réalisé cette courbe et 99 est pour l’année de parution dans le journal scientifique Nature). MBH 99 va être reprise dans le 3e rapport du GIEC en 2001, où elle va devenir la ‘’vedette’’ dans les médias.

La courbe réalisée par Micheal E. Mann et al. et publiée en 1999 dans Nature (MBH 99). La courbe noire représente les moyennes sur 10 ans. Les fluctuations autour sont les températures annuelles. Le volume gris qui contient la courbe représente les intervalles dans lesquels les températures réelles ont 95% de probabilité de se trouver. Le rouge indique des mesures instrumentales (et non des reconstitutions de températures).

MBH 99 telle que présentée dans les médias (ici tirée de la page de couverture d'un journal de l'année passée d'un important quotidien français traitant de l'actualité économique et financière). On remarque que le graphe se termine en 2000. Si on extrapole cette courbe pour 2009, il ferait actuellement très chaud...

Différentes critiques, pour la plupart infondées, vont être faites à son encontre par rapport aux traitements statistiques utilisés, à la validité de certaines séries issues de la dendrochronologie, au nombre (jugé comme étant trop faible) de séries prises en compte et leurs répartitions géographiques (décrites parfois comme non représentatives de l’hémisphère nord).
Christian Pfister résume son point de vue en disant que « La courbe MBH 99 contient probablement des parties qui ne représentent pas les températures réelles pour différentes époques. Les auteurs n’avaient pas les données nécessaires pour réaliser une telle étude.». Ce point de vue n’est pas partagé par d’autres scientifiques. Par exemple le Dr. Philip D. Jones, un climatologue de l’University of East Anglia (Université de l’Anglia de l’est) au Royaume-Uni, qui a réalisé des courbes similaires à MBH 99, estime que « De nouvelles informations ne vont pas modifier de façon importante nos conclusions sur les climats passés. ». Pour ce membre du GIEC, c’est plutôt du recours aux archives documentaires dont il faut se méfier : « Le problème avec ces sources est qu’elles tendent à s’intéresser aux extrêmes mais pas aux petites différences avec les conditions moyennes. ». Il admet toutefois qu’il peut y avoir des interrogations au niveau de la qualité des données utilisées dans ces reconstitutions. « Nous devons faire attention à comment nous mettons des séries de données ensemble, pas seulement pour les mesures de surface et de ballons météorologiques, mais aussi pour les satellites. ». En effet, ces derniers ne sont pas faits pour étudier des variations sur plusieurs décennies à cause des changements dans les instruments de mesures qui sont intervenu ces derniers 50 ans. Pour les satellites, leur orbite dégénèrent (c’est-à-dire qu’ils se rapprochent de la Terre) ce qui fait qu’ils observent différentes parties du globe pendant leur rotation à mesure que le temps avance. « De façon paradoxale, toutes ces améliorations, dont les observations depuis l’espace, amènent beaucoup de problèmes. » remarque le Dr. Jones.

« IL Y A AUSSI DES ENJEUX FINANCIERS »
Cette polémique a aussi mis le doigt sur une autre question touchant la paléoclimatologie (la climatologie des ères passées) : qui peut avoir accès aux données? Si normalement en science toutes les informations sont rendues publiques afin que les autres chercheurs puissent vérifier les résultats, dans cette branche cette politique n’est pas forcément de mise. Par exemple, en ce qui concerne les reconstitutions des températures pour ces derniers 1000 ans, deux scientifiques, Warwick Hughes et Steve McIntyre, eurent de la difficulté à obtenir les données utilisées auprès du scientifique qui avait réalisé les courbes en question, le Professeur Philip Jones. Ce dernier argue que ce n’est pas aux universités de rendre ces données accessibles avant d’expliquer qu’ « [il a]signé des accords avec des pays qui stipulent qu’ [il] ne [donnera] pas ces informations à des tiers. La plupart des nations européennes ont des restrictions sur la diffusion de telles données. ». Ce n’est pas le seul cas où des scientifiques ont de tels problèmes. Les chercheurs français peinent à avoir accès aux informations de la base de données Euro-Climhist. De son côté Christian Pfister explique qu’il a investi 20 ans de travail dans cette étude ainsi que de l’argent personnel. « Je veux que ceci me soit crédité dans le cadre de publications scientifiques. » précise-t-il.
Comme le fait remarquer le professeur Garnier, il y a aussi des enjeux économiques derrière de telles informations. « Les compagnies d’assurance et de réassurance [1]cherchent à avoir des informations pour estimer les coûts qu’elles devront supporter pour les dégâts générés par le changement climatique. ». Pourtant, cet historien a décidé que ‘’sa’’ base de données sera entièrement publique, ainsi chacun pourra alors voir par exemple, pour la région où il vit, quels ont été les extrêmes climatiques dans le passé. (J’indiquerai le lien pour le site de la base de données une fois que ce dernier existera).

(1) Une compagnie de réassurance sert d'assurance à une compagnie d'assurance. Elle propose de garantir un certain montant du risque prit en charge par des compagnies d'assurances contre un pourcentage de leurs primes. Ceci permet pour les compagnies d'assurances d'assurer des risques au-delà des capacités financières amenées par leurs fonds propres ainsi que de n'avoir pas à payer pour l'intégralité des dommages qu'ils assurent en cas de catastrophe grave et donc d'éviter la faillite dans une telle situation.

Les critiques formulées par ces historiens en rapport à MBH 99 et à l’évolution des événements climatiques violents ne veulent pas dire qu’ils remettent en question le fait que le changement climatique actuel soit une réalité. Le Professeur Pfister rend attentif au fait que les variations qu’il observe dans le passé sont différentes de celles que l’on vit actuellement : « Pendant les périodes chaudes on avait souvent des modifications importantes, aussi bien en été qu’en hiver, avec des temps plus froids et humides que ce que l’on voit actuellement. ». Pour l’antiquité, Harvey Weiss estime que c’était aussi différent de la situation présente. « Ces changements concernent des modifications des précipitations. Actuellement, il y a une augmentation de température, ce qui cause des problèmes en termes de fonte de glace et d’élévation du niveau des mers. Le changement actuel est unique dans l’histoire de l’humanité. C’est en soit un élément effrayant. ».

ET LE FUTUR?
Au-delà de satisfaire notre curiosité de savoir quels étaient les climats dans le passé, quel est l’intérêt de telles études pour notre société ? Ce qui rend ces événements anciens intéressants est qu’ils documentent simultanément à la fois la résilience et la vulnérabilité de vastes et complexes civilisations à la variabilité environnementale. De tels sociétés ont la capacité de faire face à ce type de problèmes mais ne peuvent s’adapter infiniment. Passé un certain stade, l’ordre établi s’effondre pour laisser la place à une nouvelle organisation plus en adéquation avec la nouvelle donne climatique. « Les changements climatiques ont forcé la réorganisation de nombreuses structures politiques. » constate Harvey Weiss. 
Nous avons vu ci-avant que différentes sociétés, tel les Mayas ou l’Ancien Empire Egyptien, se sont effondrées au moment de changements climatiques. D’autres exemples plus récents existent comme celui de la révolution française. Le printemps 1788 est extrêmement chaud et des orages vont ravager une bonne partie des cultures du royaume de France. « Les conséquence de cette situation ne vont être marquées sur le marché qu’à partir de mai, l’époque de la soudure, c'est-à-dire la période de transition entre l’ancienne et la nouvelle récolte. Après les Etats Généraux (cette assemblée convoquée par le roi de France en 1789 concernait entre autres la question d’une meilleure représentation du peuple en politique. Les résultats en furent jugés insatisfaisants) suivent les événements populaires qui sont liés à la cherté du blé. Les femmes marchent sur Versailles en prenant de court la garde nationale (police dont La Fayette en était le commandant en chef) et les élus de l’assemblée nationale (instituée pendant les Etats Généraux, l'assemblée nationale constituante a eu comme mission de doter la France de sa première constitution). Elles ont faim et veulent à manger pour elles et leurs enfants. » explique l’historien Emmanuel Garnier. Ensuite Lafayette va essayer de contenir la foule et contraindre le roi de revenir à Paris. Une fois le souverain dans la capitale, de par le fait qu’il est continuellement menacé par l’émeute, ceci va affaiblir considérablement son pouvoir et contribuer à l’effondrement de la monarchie.
Philip Jones se remémore également que les Vikings n’ont pas survécu au nord et à l’ouest de la Norvège aux 14e et 15e siècles sans doute parce qu’ils n’ont pas réussi à s’adapter à des températures plus froides.

Enfin, les dinosaures ne sont pas absents de ce schéma ! A côté de la fameuse hypothèse du météorite, une autre stipule qu’une période plus froide aurait pu amener à leur disparition.
« L’humanité devra s’adapter rapidement parce que le changement climatique va certainement prendre place dans le futur plus vite qu’il ne l’a fait dans le passé. Nous devrions prendre ceci en compte pour concevoir les bâtiments, les cultures, etc. » estime le Dr. Jones. Renaud Crassous, un chercheur au Centre International de Recherche sur l'Environnement et le Développement (CIRED) en France estime que « D’ici une vingtaine d’années la Terre va être touchée par des famines. Nous n’avons pas actuellement des stocks de nourriture suffisants pour faire face à une modification du climat. ». Christian Pfister estime également que les pires impacts sur les populations se produisent lorsque le changement n’était pas prévu. « Une modification climatique peut arriver très rapidement comme ce fut le cas vers 1300, où soudainement un climat plus froid s’installa. Nos sociétés devraient garder plus de marge par rapport à de tels événements. Nous ne sommes pas actuellement prêts. » Dans le future trois problèmes interdépendants vont se poser : un manque de nourriture, d’eau et d’énergie. « A ceci s’ajoutera aussi une augmentation du prix des énergies fossiles. C’est une situation très dangereuse pour une société. » continue le chercheur.
Quand à Emmanuel Garnier, il estime que l’histoire a un rôle fondamental à jouer dans la mise en place d’une adaptation en ce qui concerne l’aménagement du territoire, le bâti… « Sous l’Ancien Régime, il y avait dans les villes des zones qui servaient à absorber et étaler les crues. Ceci n’existe plus de nos jours. » remarque l’historien. Des réseaux d’observateurs avaient été mis en place, qui étaient par exemple situés en amont d’un cours d’eau pour annoncer une crue. « A Lyon, on craignait les débâcles quand il y avait un hiver très rigoureux à cause du départ des glaces du glacier du Rhône en Suisse. Il y avait donc des observateurs dans les Alpes qui avertissaient la ville. On évacuait les ponts peuplés d’habitants et de commerçants. » continue-t-il.


LE FUTUR:RETOUR VERS LE PASSE?
Quelles vont être les conséquences du changement climatique sur nos sociétés ? Emmanuel Garnier pense qu’elles pourraient ramener nos sociétés à une organisation similaire à celle qui existait en Europe au Moyen Âge !

A cette époque la catastrophe étaient prise en compte sous la forme d’une aide religieuse. Pourtant, à partir de 1650 en France, il y a une prise en charge laïque. Bien que le roi soit officiellement très chrétien, il se fait sacrer à Reims par le pape, il va progressivement marginaliser l’église catholique. Ceci va se faire grâce à un corps d’administrations spécialisées qui diligentent des enquêtes et versent des indemnités directement au sinistrés. Ceci fait que le risque climatique n’est bientôt plus perçu comme une manifestation de la colère de Dieu mais comme un phénomène rationnel que l’on peut soit anticiper, soit gérer. « Venir au secours des sinistrés, c’est montrer qu’il y a un pouvoir central et qu’il vaut mieux s’en remettre à lui qu’aux autorités locales ou religieuses. » explique le Dr. Garnier. « C’est une perspective que l’état fédéral américain a abandonnée depuis l’ère Reagan. Par rapport à Katrina (ouragan qui sévit aux Etats-Unis en 2005 dont les conséquences les plus graves furent à La Nouvelle-Orléans en Louisiane alors inondée), j’étais effaré quand j’ai vu la scène suivante : au bout de 5 jours des camions militaires arrivèrent avec des pasteurs de sectes chrétiennes fondamentalistes. Ils ne distribuèrent pas des vivres… mais des bibles. Le message consistait à dire, si vous avez été inondés, c’est parce que vous avez été puni par Dieu. L’intérêt pour l’état central est de ne pas prendre en charge financièrement le risque climatique. ». Pour ce scientifique, c’est un tournant qui commence à poindre également en France. « Alors qu’au 15e siècle on avait des repères de crues, actuellement cette pratique a été partiellement abandonnée. C’est un moyen pour l’état de se défausser en cas de catastrophe : il n’y a pas de repère d’inondation, donc c’est la responsabilité des élus et des propriétaires. ». D’après lui, une telle situation où l’état central ne prend plus en charge le risque climatique conduirait la population à un repli de type communautariste (c’est-à-dire une organisation sociale qui se caractérise par une segmentation de la population, où l’individu ne reconnaît plus que l’autorité d’une petite minorité ou d’un groupe de personnes spécifiques). À l’échelle des nations ceci pourrait mener à des guerres régionales dont le ressort serait finalement l’instinct de survie. En clair, on reviendrait à des sociétés proches de celles du Moyen Âge. Lorsqu’on se souvient que celles-ci se caractérisaient aussi par la chasse aux boucs émissaires, comme les sorcières, la situation ne peut que faire froid dans le dos !
Au niveau des énergies utilisées, ceci pourrait ne pas être beaucoup plus glorieux. Alors que l’on parle souvent des énergies alternatives ‘’trendy’’ comme les éoliennes et les panneaux solaires, Hubert Kieken, un scientifique à l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) en France pense que « S’il n’y avait plus de pétrole dans 10 ans, la solution au problème de l’énergie serait le charbon. On sait faire marcher des centrales électriques et des chauffages avec ce combustible et on peut même faire du pétrole avec ! » (grâce au procédé nommé Fischer-Tropsch). Pour ce chercheur, le charbon conservera une part prépondérante sur le nucléaire dans les 50 années à venir. La raison est que l’on a besoin d’être capable de fournir rapidement des quantités énormes d’énergie, par exemple pour la Chine. Le modèle du tout nucléaire fonctionne parce que la France est entourée de pays dont le schéma de développement de leur parc nucléaire est différent. Ainsi elle peut, l’essentiel du temps, exporter de l’électricité à ses voisins et en période hivernale importer de l’énergie. « Ce modèle n’est donc pas reproductible à grande échelle dans d’autres conditions. Par ailleurs, avec des centrales de génération actuelle, on serait rapidement confronté au problème de l’épuisement de l’uranium.» conclut le Dr. Kieken.

                                                            Gaëtan Dübler




[i] "Diggers Find Imperial City of Assyrians." The New York Times. 18 octobre 1981.
[ii] Pour plus d’informations, voir http://oco.jpl.nasa.gov/pubs/Abrupt_Climate_Change_Scenario.pdf