Savez-vous que l'Ancien Empire égyptien qui construisit les pyramides s'est effondré lors d'un changment climatique? Que l'ère des dinosaures ou que des simulations de l'atmophère martienne peuvent nous fournir de précieux renseignements sur la façon dont les climats vont évoluer? Que de la viande artificielle pourrait nous permettre de lutter contre le réchauffement climatique? Si vous voulez en découvrir plus là-dessus ainsi que sur beaucoup d'autres sujets, je vous propose mon livre Climats du futur: une fascinante enquête au coeur de la communauté scientifique pour seulement 2,99 euros chez Amazon que vous pourrez lire immédiatemment avec Kindle. Pour y accéder il suffit de cliquer sur ce lien. Le changement climatique est une des plus importantes questions que notre civilisation devra adresser durant ce siècle. Il aura des répercussions majeures sur notre avenir que ce soit au niveau strétégique, militaire ou encore du sytème économique. Quelque soit votre domaine d'expertise vous ne voulez donc pas passer à côté de ces informations étonnantes.


mardi 12 juillet 2011

L'effet papillon et le changement climatique


Aujourd’hui deux visions du système climatique s’affrontent sur le ring de la cité scientifique. Le suspense est à son comble puisque inéluctablement bientôt une des deux hypothèses va être mise KO. L’enjeu est de taille étant donné que le point de vue de poids lourds de la science comme Edouard Lorenz, le professeur qui popularisa l’effet papillon, sont en jeu. Description des derniers rounds.



Il peut être tentant de se demander : à supposer que tel événement ne se soit pas produit, comment est-ce que ceci aurait affecté le développement de ma vie ? Un film intitulé L’effet papillon a même été tourné sur ce thème. Le personnage principal y a la capacité de revenir dans le passé. Il essaye par ce moyen de successivement modifier sa vie afin d’éviter des situations tragiques. Pourtant, il remarque bientôt que le fait de changer son vécu même de façon peu importante va avoir comme effet de complètement transformer toute la suite de son existence de façon imprédictible.
La science s’est aussi intéressée à ce genre de questions, par exemple, en étudiant comment une perturbation va affecter l’évolution subséquente d’un système. Et là des découvertes peuvent devenir étonnantes! Prenons le cas suivant : une roue sur laquelle on a accroché des godets à espace régulier.



Ces derniers ont un trou au fond et on fait couler de l’eau avec un débit fixe sur ce montage (qui est connu sous le nom du moulin à eau de Lorenz parce qu’il a été inventé par un météorologiste du nom d’Edward Lorenz). Que va-t-il se passer? Et oui, la roue se met à tourner à une vitesse constante. Maintenant essayons de modifier légèrement le dispositif en augmentant par exemple la grandeur des orifices dans les récipients. Cette fois, la roue va présenter une rotation tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre dans un mouvement qui devient imprédictible ! Pour voir un exemple. Si maintenant l’on prend deux de ces moulins mais que la position de leur roue au départ diffère d’une distance microscopique, leurs déplacements vont être ensuite complètement différents ! (Pour voir des animations présentant ce phénomène). Les scientifiques appellent ceci des mouvements chaotiques et un tel appareil qui les génère, un système chaotique. Les considérations autour de ces questions constituent la théorie du chaos. (Il est à remarquer que chaotique ne veut pas dire ici qui ne suis pas des lois physiques mais dont on ne peut pas prévoir l’évolution de par le fait qu’une très petite différence, qui est susceptible de ne pas même être observable, peut amener le système à agir de façon tout à fait dissemblable. On parle ici de dépendance aux conditions initiales puisqu’une modification dans l’état du système au départ va changer considérablement son devenir ensuite).
Mais revenons à notre film. Nous avions vu que quand le personnage amenait une petite variation à son existence ceci faisait qu’ensuite le reste allait se dérouler de façon très divergente. En fait, son destin se comportait comme le moulin à eau chaotique. « Il est exact que la vie agit ainsi et savoir comment elle va se développer n’est pas possible. Par exemple il n’est pas envisageable à priori de déterminer qui va épouser qui. De même, une personne peut mourir dans un accident de voiture qui ne se serait pas produit si elle avait passé à cet endroit seulement quelques secondes avant ou après! » remarque Anastasio A. Tsonis, un professeur éminent spécialiste des systèmes chaotiques à l’University of Wisconsin-Milwaukee (Université du Wisconsin-Milwaukee) aux Etats-Unis.

Le Professeur Anastasios A. Tsonis
La question que se sont posés les scientifiques est : le système climatique ne fonctionnerait-il pas de façon similaire ? Afin d’étudier l’atmosphère des modèles en furent réalisés dès le début du 20e siècle en faisant tourner des fluides afin de voir comment ils se comportent. Par exemple à la fin des années 50, de telles expériences furent mises en place avec des cylindres tournants à l’Université de Cambridge au Royaume-Uni. On obtint des atmosphères terrestres miniatures étonnamment similaires à la vraie, contenant entre autres des courants-jets et des cyclones. Elles présentaient des configurations très différentes, comme dans la réalité, dans des conditions extérieures identiques. Un fait curieux est qu’il suffisait d’une petite perturbation, par exemple en remuant le liquide avec un stylo, pour qu’elles évoluent vers un autre de leurs régimes. Ceci amena le chercheur qui a développé le moulin à eau que nous avons vu précédemment, feu Edward Lorenz, à formuler lors d’une conférence en 1972 la fameuse question : « Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? », une idée connue depuis sous le nom de l’effet papillon. Il est en effet possible que dans le système climatique il y ait des réactions en chaîne qui fassent qu’un événement de faible ampleur puisse avoir des conséquences à l’échelle planétaire. Par exemple des tempêtes sur l’Océan Pacifique tropical est peuvent générer des oscillations de Madden-Julian, des perturbations de l’atmosphère de plusieurs milliers de kilomètres. Celles-ci peuvent amener des événements El Niño, un phénomène climatique qui cause un réchauffement de la plupart de l’Océan Pacifique est et central. Ceci va induire une augmentation de la température à l’échelle planétaire (le phénomène inverse, le refroidissement de cet océan, qui mène à celui de la Terre est appelé La Niña). Mais les éléments déclencheurs ici sont des tempêtes. Ce genre de phénomènes peut détruire des avions et soulever des véhicules ou des maisons. Les énergies libérées sont similaires à celles qui apparaissent lors de l’explosion d’une bombe nucléaire! Il apparaît donc que le papillon aura de la difficulté à rivaliser de ce point de vue. En fait, pour qu’il ait la capacité de modifier le fonctionnement du système climatique, il faudrait qu’il puisse être à l’origine d’une perturbation qui va elle-même en causer une autre de plus grande importance et que ce phénomène continue. Les modèles numériques montrent actuellement que ceci n’est en fait pas possible dans ce cas. La faible énergie libérée par cet insecte va se dissiper dans l’atmosphère sans qu’elle ne puisse générer un effet de grande ampleur et ceci n’aura donc pas de conséquence.
Mais étant donné qu’un événement local, comme une tempête, peut avoir un impact sur le développement du système climatique on pourrait arriver à la conclusion que finalement rien n’est prédictible. En réalité, il reste un élément qui nous permet de contourner ce problème. Revenons à notre moulin chaotique. Nous avions vu qu’il n’était pas possible de savoir comment il allait évoluer. Pourtant un autre fait curieux est à prendre en compte. Si l’on mesure par exemple la vitesse du moulin à différents temps et que l’on la reporte sur un graphe, on obtient :
Représentation des vitesses du moulin chaotique (il y en a des positives et des négatives de par le fait qu’il peut tourner dans les deux sens).

On observe qu’il y a une symétrie, ce qui suggère que le moulin ne se comporte en réalité pas de façon aléatoire. S’il n’est pas possible de deviner ce qu’il va faire la prochaine seconde, il est par contre envisageable de savoir quel va être son comportement sur une longue période de temps. Si l’on refait ces mesures mais cette fois en partant d’une autre position, on obtient de nouveau le même résultat.

En jaunes les mesures précédentes, en vert les nouvelles faites avec l’expérience qui début avec le moulin dans une autre position.

Pour revenir à l’atmosphère terrestre, ceci voudrait dire par analogie, que bien qu’il ne soit pas possible de prévoir comment elle va se comporter à courte échéance, on devrait pouvoir savoir ce qui va se produire sur une grande échelle de temps. Mais une des questions que se posa Lorenz était de savoir si des changements dans les conditions initiales pourraient amener le système climatique à se comporter différemment sur d’importantes périodes bien que sur une longue durée on devrait pouvoir prévoir son comportement.
Mais revenons à la réalité et voyons comment ce système agit réellement. « Il est évident que de par le fait qu’il est chaotique, ceci limite notre capacité de prédiction. Par exemple il n’est pas possible de savoir aujourd’hui si un jour dans 6 mois va être pluvieux ou ensoleillé.» explique le Professeur Timothy N. Palmer qui mène une division de recherche au Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) en Angleterre.

Le Dr. Timothy Palmer
Cette organisation joue un rôle pionnier depuis des décennies dans l’amélioration de la prédiction du temps et aujourd’hui fournit les prévisions jusqu’à 15 jours à l’avance qui sont les plus précises à l’échelle planétaire. Par contre il va être possible de pronostiquer statistiquement l’évolution du système climatique. « Par exemple on sait qu’il est plus probable qu’il fasse froid en hiver qu’en été. De même, si on ajoute des gaz à effet de serre dans l’atmosphère ceci va augmenter le risque d’avoir des canicules comme celle qui s’est produite en 2003. » continue ce scientifique qui a contribué à la rédaction des rapports du GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat). L’utilisation des probabilités peut aussi servir pour des prédictions à brève échéance. Certains avaient prophétisé l’apocalypse au moment du passage à l’an 2000 en raison d’un bug informatique ou d’attaques terroristes. Mais la destruction n’a finalement pas émané des circuits de silicium ou de quelque cerveau démonique mais de la ‘’mécanique’’ du fonctionnement de l’atmosphère. Le lendemain de Noël deux cyclones extratropicaux arrivaient sur l’Europe. A Paris au sommet de la tour Eiffel, l’anémomètre se bloquait à son maximum enregistrable en indiquant une vitesse du vent de 216 km par heure. 1500 kilos de plomb se faisaient arracher de la toiture du Panthéon. Dans le même pays, une centrale nucléaire endommagée devait être arrêtée. 

Des cargos de plusieurs dizaines de milliers de tonnes s’échouèrent sur le sable ou même sur la terre ferme, comme on le voit ici dans l’estuaire de la Gironde en France.

Une fois que les tempêtes eurent passé, elles laissèrent les terres dans un état de désolation générant une ambiance de fin du monde. Beaucoup de routes, dont des autoroutes, et de voies ferrées étaient fermées ou bloquées, souvent par des chutes d’arbres. Les réseaux de distribution d’électricité n’étaient dans bien des cas plus fonctionnels entre autres de par l’effondrement de pylônes et même des grandes villes n’étaient plus approvisionnées. Les systèmes de communication étaient parfois hors service, par exemple les téléphones portables de par le fait qu’un grand nombre de relais avaient été détruits. Des aéroports étaient fermés. Le ciel était quadrillé par des hélicoptères qui allaient reconnaître les dégâts ou transporter du matériel et des militaires étaient dépêchés par milliers de troupes afin d’aider la population. Cette catastrophe compte parmi les trois pires qui se produisirent sur cette planète en ce qui concerne les pertes monétaires assurées.
Mais cet événement avait une probabilité très faible de se produire. « En effet, cette dépression est apparue sur l’Amérique du Nord avant de traverser l’Océan Atlantique, alors que l’atmosphère sur ce dernier et l’Europe était exceptionnellement chaotique. Etant donné que l’on ne connaît pas parfaitement les conditions initiales puisque les instruments d’observation des satellites n’arrivent pas à discerner de menus détails, comme des turbulences de faible magnitude, dans un tel cas il est très difficile de prévoir ce qui va se passer.» souligne le Dr. Tim Palmer, qui est également coauteur du livre Predictability of weather and climate (Prédictibilité du temps et du climat). Mais les météorologues du CEPMMT, qui utilisent un des plus important complexe de superordinateurs en Europe pour déterminer s’il va y avoir du soleil, de la pluie ou encore du vent, ont trouvé un moyen de résoudre ce problème : « Par rapport aux modèles informatiques qui nous permettent de prévoir l’évolution de l’atmosphère, on fait varier très légèrement les conditions initiales pour déterminer comment la situation se développe à partir de ceci. Ainsi l’on peut voir si des petits éléments qui nous ont échappé pourraient avoir finalement un effet important ; c’est en somme une façon de prendre en compte l’effet papillon. » explique le Dr. Timothy Palmer. Si par exemple sur 50 de tels essais ils voient apparaître dans 15 cas un vortex très intense, ils peuvent annoncer qu’il y a une probabilité de 30% qu’il y ait des vents remarquablement forts. C’est d’ailleurs grâce à de telles simulations qu’ils ont pu se rendre compte après coup que le premier des cyclones dont on a parlé ci-avant avait très peu de risque de se produire. « Cette technique va aussi nous être utile pour avertir les autorités et la population. En effet, il est possible d’entreprendre des actions pour protéger des biens ou des services sachant qu’il y a un risque d’avoir un événement météorologique violent, voire même dans certains cas d’évacuer des régions. Si nous n’annoncions que le scénario le plus probable, ici qu’il n’y ait rien de particulier qui se passe, cette information ne va pas permettre une préparation. » précise le scientifique.

En ce qui concerne les considérations sur de plus longues périodes, il existe une école de chercheurs issus de la théorie du chaos que nous avons vue ci-dessus qui estime à l’instar de certaines visions du Dr. Lorenz qu’un changement minime dans les conditions initiales peut amener le climat à se transformer radicalement. En fait partie le Dr. Anastasios Tsonis qui a travaillé avec Edouard Lorenz et en est devenu un de ses ‘’disciples’’. Il a continué cette réflexion en s’intéressant aux téléconnexions. Ces dernières sont des corrélations entre des phénomènes climatiques se déroulant simultanément à de grandes distances. Par exemple la pression atmosphérique d’un endroit peut être dépendante de celle d’un autre se trouvant à des milliers de kilomètres. C’est le cas entre Tahiti et Darwin en Australie localisés à plus de 8500 km ! Comment ceci est-il possible ? La raison en est que des modifications au niveau des vents vont avoir un impact à l’échelle planétaire. Ainsi certaines de ces téléconnexions vont générer un effet sur des régions aussi étendues que l’Europe et l’Asie ou allant de l’Amérique du Nord jusqu’en Europe centrale.

Afin de mieux comprendre notre atmosphère, il peut être utile de l’envisager comme un réseau. Sur cette représentation de la Terre vue du pôle Nord sont figurées des zones en rouge et jaune. Elles désignent des parties qui sont liées et qui vont donc évoluer ensemble (dans ce cas les scientifiques disent qu’elles ont une grande connectivité). Ceci permet de visualiser les téléconnexions, ici une nommée l’oscillation nord-atlantique).

Une autre vue de notre atmosphère similaire à la précédente. Nous observons de nouveau des téléconnexions (en rouge et jaune). Au niveau des régions tropicales la connectivité est très importante mais pas sur le reste du globe (sur la précédente représentation la partie rouge de l’équateur a été omise afin de mieux pouvoir visualiser l’oscillation nord-atlantique). On peut donc considérer que les régions extratropicales constituent un seul sous-système bien qu’elles soient séparées par la zone équatoriale étant donné que celle-ci va transférer les fluctuations de l’atmosphère d’un hémisphère à l’autre et donc les connecter. Ce système de téléconnexions va faire qu’une perturbation en un point du globe va diffuser dans l’atmosphère, réduisant le risque d’un extrême local de longue durée. Ainsi par exemple si la pression atmosphérique augmente, elle va avoir tendance par la suite à revenir à une valeur moyenne. Ceci amène une plus grande stabilité à l’atmosphère. Il est à remarquer que ce réseau peut se modifier. Par exemple en raison du réchauffement climatique, on a vu apparaître une augmentation des connections à longue portée (plus de 6000 km). Une telle approche fournit donc un outil pour étudier les phénomènes atmosphériques et l’évolution du changement climatique.


Par exemple une de ces téléconnexions est El Niño/La Niña-Southern Oscillation (ENSO) connue dans le langage non scientifique sous le nom de El Niño, que nous avions vu ci-avant. Cette dernière va modifier les climats autour de la planète bleue. Par exemple elle va générer des hivers plus chauds dans certaines régions des Etats-Unis et du Canada (ceci explique par exemple les conditions subtropicales pendant les Jeux olympiques d’hiver à Vancouver au Canada en 2010) et diminue la formation de cyclones dans cette partie du globe. La trajectoire de ces phénomènes météorologiques dans les tropiques va être modifiée et ainsi des régions au Japon et en Corée vont être moins touchées. L’Afrique va aussi être concernée et des pays comme le Kenya ou la Tanzanie vont recevoir plus de pluie.

Depuis le début des années 90 un nouveau domaine de recherche est apparu, celui des chaos synchronisés. Des systèmes peuvent présenter des éléments chaotiques qui se mettent à agir simultanément. Ceci les fait alors évoluer vers un autre état. Ce genre de phénomènes peut être observé dans des domaines très variés, allant de circuits électroniques à des écosystèmes, en passant par le corps humain. Ce dernier présente par exemple des coordinations entre les battements du cœur et la respiration. De même au niveau du fonctionnement du cerveau, on observe que les neurones travaillent à l’unisson. Le Dr. Anastasios Tsonis et d’autres scientifiques dont Kyle L. Swanson ont tenté d’appliquer ces considérations au système climatique. Ils arrivent à la conclusion que l’évolution d’importantes téléconnexions se sont synchronisées puis ont évolué ensemble à 3 reprises durant le 20e siècle et une fois en 2001/02. D’après eux un tel phénomène a dû amener le système à se réorganiser. Ceci se traduirait en des discontinuités dans l’évolution des températures, par exemple de par le fait que plus ou moins de chaleur pourrait être stockée par les océans ou à cause de variations dans la densité de nuages (ceux-ci ayant comme effet de refroidir ou de réchauffer l’atmosphère suivant les types)ou encore en raison de quantités plus ou moins importantes de vapeur d’eau (le plus puissant gaz à effet de serre) dans l’air suivant la façon dont le système fonctionne.

L’évolution de la température. Pour le Professeur Anastasios Tsonis celle-ci évolue en une succession de régimes climatiques amenant tantôt à des augmentations, tantôt à des diminutions de température.

D’après cette vision, il y aurait donc eu un changement de régime en 2001/02 et depuis la température est fixe et devrait rester ainsi pendant plusieurs décennies étant donné que dans les cas passés les régimes se seraient maintenus pendant de telles durées.
Il est à remarquer que ces changements d’état de l’atmosphère seraient amenés par des variations internes au système climatique et non des causes extérieures comme par exemple des variations au niveau de la quantité d’énergie reçue par la Terre du Soleil. Mais elles seraient surimposées à une augmentation de la température en raison de l’élévation de la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre.
Les conclusions de ces travaux ont été détournées afin de tenter de faire croire au public qu’elles démontrent que l’être humain n’est pas responsable du réchauffement climatique. Par exemple on peut lire sur un document proposé à la presse sur le site de l’ United States Senate Committee on Environment and Public Works (Commission de l’environnement et des travaux publics du Sénat des Etats-Unis) un texte soutenant les idées que « Les personnes qui essayent de générer la peur en prétendant à l’existence d’un climat qui serait gouverné par l’homme ont été démasquées comme jouant au jeu infantile consistant à essayer d’effrayer les autres. » et que « l’hypothèse d’un réchauffement climatique catastrophique généré par les gaz à effet de serre mort la poussière » (1). Afin d’ ’’étayer’’ ces idées, ils affirment que les travaux du Dr. Tsonis « montrent que le réchauffement climatique du siècle passé est lié à des causes naturelles ». Les auteurs mettent un lien qui permet d’accéder à la publication en question. Celle-ci contredit en fait leur propos en faisant allusion à plusieurs reprises à l’augmentation de température due à l’utilisation des énergies fossiles! De plus Anastasios Tsonis et Kyle Swanson ont publiés d’autres articles dans lesquels ils exposent l’idée que le réchauffement climatique causé par l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre pourrait en fait être plus important que ce qui est couramment admis. En effet, étant donné qu’ils voient le climat comme étant extrêmement instable, ils arrivent à la conclusion qu’une perturbation même faible, qu’elle soit inhérente au fonctionnement du système, naturelle ou induite par l’homme, va y avoir des effets très importants. (Par rapport à ceci il est intéressant de constater l’incohérence du point de vue de sceptiques qui consiste à penser que le climat a varié au cours du 20e siècle à cause de raisons naturelles et que l’homme y jouent un rôle minime ou nul. Soit le système climatique est effectivement insensible aux gaz à effet de serre mais dans ce cas il devrait aussi l’être aux influences de la nature ou il répond de façon importante à ces dernières mais aussi à celles anthropiques).
Mais revenons à l’hypothèse d’Anastasios A. Tsonis stipulant que les climats du 20e siècle constituent une suite de régimes et que la température ne va pas augmenter ces prochaines décennies. La question qui l’on peut se poser est : tout ceci est-il exact ? En effet, cette vision comporte un grand nombre de suppositions qui pourraient ultérieurement s’avérer fausses, par exemple que la théorie des chaos synchronisés est applicable à l’atmosphère. Certains éléments peuvent amener à douter de sa véracité. Par exemple, comme nous l’avons vu précédemment, les auteurs ont défini une succession de 4 régimes climatiques durant le siècle passé, un avant la Grande Guerre, puis un allant jusque dans les années 40, suivit d’un autre se terminant à la fin des années 70 et finalement un dernier rejoignant le nouveau millénaire. Pourtant durant l’avant-dernier de ces supposées périodes, aux alentours de 1969, un très important changement de régime climatique se produisit dans le Sahel (la zone de transition en Afrique entre le désert du Sahara au nord et les régions présentant de la végétation au sud). L’impact de cette sécheresse eut une importante couverture médiatique dans les années 70. A la fin de cette décennie près d’un million de personnes en étaient mortes et des millions d’autres étaient des réfugiés. Il s’agit d’un des plus remarquables changements de climat que l’on ait observé durant la période moderne. Pour le Professeur Anastasios Tsonis « Il doit s’agir d’un changement régional. ». Mais tous les scientifiques ne partagent pas ce point de vue, certains estimant que cette modification émane d’un réchauffement des océans tropicaux - qui aurait changé la circulation de l’atmosphère, ce qui aurait eu un effet sur les pluies - et que l’origine de ceci est un changement à l’échelle planétaire. (Un autre élément qui a pu contribuer à cette sécheresse en amenant des transformations du système climatique est le black carbon. Celui-ci est produit lors de la combustion de carburants diesels, de bois et de charbon et est apparenté à la suie. Bien que l’on en parle peu il joue un rôle primordial dans le réchauffement puisqu’il en est le deuxième contributeur après le CO2 et avant les autres gaz à effet de serre comme le méthane. Il est estimé que la stratégie la plus rapide afin de ralentir le changement climatique et de diminuer les émissions de black carbon. Bien que des régions industrialisées l’aient déjà fait (en utilisant par exemple des carburants qui en produisent peu), ce n’est pas le cas de beaucoup de pays en développement.)
Les conclusions du Professeur Tsonis sont aussi en désaccord avec celles du GIEC, qui estime que la température va augmenter de 0.2°C par décennie. « Pourtant, une autre étude, dont l’auteur principal est N. S. Keenlyside et qui a été publiée dans le prestigieux journal Nature, arrive aussi à la conclusion que la température ne devrait pas s’élever cette décennie.» explique le Dr. Judith L. Lean, une spécialiste du fonctionnement du système climatique terrestre, en particulier par rapport au rôle qu’y joue le Soleil, au United States Naval Research Laboratory (Laboratoire de recherche de la marine des États-Unis) à Washington D. C.

Le Dr. Judith L. Lean

Mais la raison en est là des modifications dans la circulation des océans amenant à une variation climatique. Cependant des scientifiques sont en désaccord avec ce point de vue. Par exemple le Dr. Urs Neu qui réalise des études sur le climat au sein de l’Académie suisse des sciences, estime que « Leurs calculs ne sont pas très convaincants. ». Des chercheurs ont même proposé de parier des sommes d’argent importantes avec ces auteurs qu’ils auront tort. Les clauses faisaient que si une éruption volcanique importante se produirait ou dans le cas où un météorite de grande dimension frappe la planète bleue le pari serait annulé – dans ces alternatives respectivement des cendres et de la poussière vont être propulsées dans l’atmosphère et vont diminuer l’énergie solaire qui peut parvenir à la Terre et donc résulter en un refroidissement - . Pourtant, « Les scientifiques n’ont pas accepté de parier. » remarque un des chercheurs qui avait élaboré ce défi, William M. Connolley, un ancien modélisateur de climat à la British Antartic Survey (étude anglaise de l’Antarctique). Ce n’est d’ailleurs pas le seul cas où des scientifiques se proposent de miser sur l’évolution du climat. Par exemple Galina Mashnich and Vladimir Bashkirtsev, des physiciens solaires, ont parié 10 000 dollars américains (7500 euros) avec James Annan, un modélisateur de climats, que notre planète allait se refroidir dans les 10 ans à venir.
Mais d’autres scientifiques, dont D. M. Smith, estiment que la température devrait augmenter plus que ce que pense le GIEC, de 0.3°C cette décennie, grâce à un model climatique. (Comme l’a constaté le GIEC, ces derniers ne sont pas très efficaces pour faire des prédictions sur des périodes courtes comme celle-ci). Par rapport à cette situation, le Dr. Judith Lean allait réaliser avec David H. Rind, un expert du système climatique terrestre à la NASA, une étude qui allait avoir un résultat fort surprenant. « Nous avons considéré les principales influences sur le climat, c'est-à-dire l’impact des activités humaines (avec par exemple l’évolution de la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre), celui des variations de l’activité solaire et donc de l’énergie reçue par la Terre de cet astre, celui des volcans ainsi que les variations de ENSO afin de voir si à partir d’elles il était possible de reconstituer l’évolution de la température. ».


De haut en bas, les différentes influences qui ont été prises en compte : a)ENSO, b) les volcans, c) le Soleil, d) les effets anthropiques (causés par l’homme). En bas, en vert, l’évolution de la température reconstituée en considérant les éléments ci-dessus superposée à celle de la température mesurée.













‘’Zoom’’ du graphe précédent sur les 30 dernières années. En bas, l’évolution de la température reconstituée avec la même technique (en orange) représentée avec les variations de la température mesurée. Dans les deux cas on observe avec quelle précision les courbes se suivent !

Quelle sont les conclusions que l’on peut tirer de ceci ? La première et que avec ces 4 influences sur la température terrestre, il est possible d’en reconstituer précisément l’évolution. Ceci veut dire que le climat réagit simplement à ces éléments. « Nous étions très étonnés de voir ces résultats mais il arrive que des systèmes complexes se comportent finalement de façon simple. » continue ce membre de l’Académie américaine des sciences. Dès lors plus besoin d’invoquer une instabilité du système afin d’expliquer son évolution comme dans l’hypothèse du Dr. Anastasios Tsonis. On voit donc que si l’effet papillon a un intérêt en météorologie, il semble qu’en climatologie, sur des périodes plus longues, il ne soit en fait pas opérant.
Il est aussi à remarquer qu’il n’est pas nécessaire de faire appel à des changements de régimes afin de comprendre l’évolution de la température. Par exemple le Professeur Tsonis a postulé que nous étions rentrés dans un nouveau régime et que ceci explique le fait que la température n’ait pas augmenté cette dernière décennie (ce fait est aussi utilisé par des sceptiques afin de prétendre que le réchauffement climatique relèverait de la fumisterie). « Ici les causes de ce plateau sont apparentes (voir les graphes ci-dessus), le réchauffement dû à l’élévation des concentrations atmosphériques des gaz à effet de serre a été contré par une diminution de l’énergie qui nous provient de l’astre du jour au niveau de la partie descendante du dernier cycle solaire et une succession d’événements La Niña. » explique Judith Lean.
Mais alors que doit-on donc penser de la synchronisation de l’évolution des téléconnexions? Pour le Dr. Lean, « Ceci peut être dû au fait qu’elles réagissent ensemble à des variations de l’activité de notre étoile. Par exemple Anasatsios Tsonis pense qu’il y a eu une synchronisation en 1976. Au niveau du cycle solaire ceci correspond à un minimum. Par rapport au dernier hypothétique changement de régime en 2001/02, celui-ci correspond à un maximum. ».
Un autre point intéressant et que l’on voit au niveau du premier graphique que la température reconstituée diffère le plus de celle mesurée lors des deux guerres mondiales. Etant donné que pendant ces périodes il y eut moins de mesures effectuées, ont peut se demander si ceci n’a pas amené à des erreurs. « Les personnes du Met Office (le service national britannique de météorologie) qui se sont occupés de ces données ont signalé qu’elles présentaient des problèmes. » remarque le Dr. Lean. De plus il y a eu alors des changements au niveau de la façon d’effectuer les relevés. Par exemple sur les bateaux ils étaient initialement réalisés en jetant un sceau à la mer puis plus tard au niveau de l’entrée de l’eau dans le moteur. Ceci a pu fausser des reconstitutions. « Cette étude pourrait donc montrer que la température terrestre était en fait plus élevée que ce que l’on croit pendant la Première Guerre mondiale et plus fraîche durant la seconde. Avec une telle vision, il n’y a plus lieu de concevoir la température du siècle passé comme ayant alternativement augmenté et diminué. » précise Judith Lean.
Les différentes influences, les activités humaines, le Soleil, les volcans et ENSO, ne vont pas réchauffer le globe de façon identique, chacune va avoir une signature qui lui est caractéristique.

 Les différentes influences (du haut en bas : ENSO, les activités volcanique, solaire et humaines) vont amener à réchauffer différentes régions du globe (représentées en rouge et jaune).

Ceci va donc permettre au niveau du réchauffement climatique de faire la distinction entre ce qui est dû à ces différents phénomènes afin d’avoir une confirmation supplémentaire de leur rôle tel qu’on l’a vu ci-avant.
Un autre point mit en évidence par cette étude est que l’effet des phénomènes naturels (Soleil, volcans et ENSO) est au moins 10 fois moins important que celui généré par les êtres humains sur la température de notre planète durant le 20e siècle.
Si cette approche permet de percevoir comment le système climatique a fonctionné dans le passé elle rend donc aussi possible de prévoir ce qui va arriver à l’avenir. Il est ainsi estimé que le réchauffement va être de 0.15°C de 2009 à 2014. « Cette forte valeur vient de ce que nous sommes actuellement dans la phase ascendante du cycle solaire, ce qui réchauffe la Terre en plus de l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre. Par contre de 2014 à 2019, lorsque nous serons dans la période de diminution de l’activité de l’astre du jour, la température devrait de nouveau rester stationnaire. » souligne Judith Lean. Il se peut bien sûr que le scénario dévie de ceci à supposer qu’une éruption volcanique ou qu’un événement El Niño important se produise, ce qui n’est pas prévisible. Mais dans un tel cas il sera possible de prendre ce fait en compte pour déterminer si le climat se comporte conformément à cette vision. Cependant en l’absence d’une telle éventualité, il est même possible aujourd’hui de savoir quelles vont être les zones qui vont se réchauffer le plus en tenant compte de la signature des différentes influences que nous avons vues plus haut. L’image précédente montre par exemple que l’atmosphère de l’Europe de l’Ouest est particulièrement encline au réchauffement généré à la fois par les activités humaines et notre étoile. On peut donc penser que cette région va particulièrement expérimenter une augmentation de température dans les années à venir.

Parmi les différentes idées que nous avons vues depuis le début de ce texte, quelle est celle qui est juste? Une seule entité pourra nous fournir la réponse à cette question de façon définitive : le système climatique lui-même. En effet, c’est en observant son évolution ces prochaines années que nous saurons quelle vision y correspond. Après des décennies de recherches sur ces questions, nous sommes arrivés maintenant au point où il va être possible de vérifier quelle est l’hypothèse la plus en adéquation avec la réalité. La communauté scientifique est structurée de façon particulière afin d’en optimiser l’intelligence collective. En effet, généralement si 10 personnes recherchent la solution à un problème, le résultat ne sera pas 10 fois plus intelligent que si une seule l’avait fait. Pourtant l’application de règles simples mais bien pensées peuvent amener un groupe à agir de façon beaucoup plus subtile, comme le font par exemple les fourmis. Ceci a poussé les chercheurs à développer un espace de contestation par l’intermédiaire des publications primaires dans lequel n’importe qui peut contredire ce qui est proposé. Ainsi seules les vues les plus robustes, celles que l’on n’a pas réussi à falsifier, survivent. Il s’agit d’une sorte de ‘’sélection naturelle’’ au niveau des idées, des conjectures, des réfutations, des abstractions, bref de la pensée sécrétée par notre espèce.

                                                                                    Gaëtan Dübler


(1): Morano, M. (2007). New Peer-Reviewed Scientific Studies Chill Global Warming Fears. Repéré à http://epw.senate.gov/public/index.cfm?FuseAction=Minority.Blogs&ContentRecord_id=84E9E44A-802A-23AD-493A-B35D0842FED8















vendredi 19 février 2010

Sommes-nous menacés par un REFROIDISSEMENT climatique?


De nombreux médias évoquent la possibilité que le climat pourrait se refroidir à cause d’une diminution de l’activité solaire. Par exemple le Dr. Habibullo Ismailovich Abdussamatov, directeur du laboratoire de recherche spatiale de l’observatoire Pulkovo de l’Académie russe des sciences, prédit que « Dès le milieu du siècle l’humanité devra s’adapter à un refroidissement important.»[i]. Ces prédictions sont-elles fondées scientifiquement ?

Qui ne s’est pas allongé une journée d’été sur une chaise longue afin de profiter du Soleil ? On ressent alors les effets de l’astre du jour venant réchauffer notre peau. Il est ainsi difficile d’imaginer que cette énorme source de chaleur ne puisse pas avoir un impact important sur le climat terrestre. Et notre étoile va effectivement varier dans son activité. Les scientifiques peuvent se rendre compte de ceci en observant des taches plus sombres qui apparaissent à sa surface. De façon paradoxale, plus il y en a un grand nombre, plus le Soleil émet de l’énergie. Ceci vient du fait qu’autour d’une telle tache se trouve une zone plus brillante appelée facula. Des variations dans la quantité de ces taches solaires ont pu contribuer à générer des périodes caractérisées par des températures plus faibles ou élevées. Par exemple notre étoile va présenter peu de taches à plusieurs reprises du 16e siècle jusqu’en 1860. Ceci va être un facteur amenant un épisode froid appelé petit âge glaciaire. Le Soleil présente aussi des cycles dans son activité dont le plus connu est celui de 11 ans. Ainsi sur cette période il va devenir de plus en plus actif, avant d’arriver à un maximum et de revenir à une activité plus modérée.

Vers une nouvelle période froide ?
La NASA prévoit que le cycle actuel sera faible et que le prochain, qui atteindra son sommet au environ de 2022, pourrait être un des plus chétifs depuis des siècles. Jürg Beer, un spécialiste de l’impact du Soleil sur le climat terrestre à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich en Suisse, estime également qu’il est probable que notre astre puisse se mettre au repos prochainement. « On remarque sur ces derniers 10 000 ans que les périodes de haute activité ne durent jamais plus de 80 ans, ce qui correspond approximativement à la longueur de la dernière séquence d’une telle activité observée. Le fait que l’activité solaire ait actuellement considérablement diminué et que nous nous trouvions à des valeurs plus basses que ce qui n’a jamais été mesuré par des satellites, est un indice supplémentaire tendant à crédibiliser cette prédiction.» souligne ce professeur.

Le Dr. Jürg Beer
Cette chute possible de la chaleur que nous envoie notre astre aurait-elle la possibilité de ramener la Terre dans une période froide, et ce malgré les gaz à effet de serre générés par les activités humaines qui réchauffent l’atmosphère ? « Le Soleil ne peut pas engendrer un tel scénario dans les conditions actuelles. » estime Martin Frank, un expert à l’Université de Kiel en Allemagne des différents climats qui ont existé au cours de l’histoire de la Terre. Le petite âge glaciaire que nous venons de voir fournit des informations intéressantes sur l’impact que l’astre du jour pourrait avoir dans le futur. En effet, parmi les minima solaires qui le caractérisent, un, celui de Maunder, qui dura de 1645 à 1715, allait présenter très peu de taches solaires et donc être extrêmement faible. « Il est peu probable que le Soleil ait son activité qui descende en dessous de celle que l’on observe pour ce minimum. » explique Urs Neu qui réalise des recherches sur les climats passés au sein de l’académie suisse des sciences. On voit alors une diminution de température de 0.6 °C. « Approximativement la moitié est due à la diminution de l’énergie reçue par le Soleil tandis que le reste résulte de l’effet d’éruptions volcaniques.» continue ce chercheur coauteur du livre Climate Variability and Extremes during the Past 100 years (La variabilité climatique et ses extrêmes pendant ces 100 dernières années). En effet, une éruption volcanique va propulser des cendres dans l’atmosphère qui auront comme conséquence de limiter l’énergie solaire qui parvient à la Terre et donc amener à un refroidissement. Notre étoile a donc été responsable d’une diminution de température de quelque 0.3°C. Mais cette comparaison est entre un Soleil normalement actif et un dans l’état que l’on observe pendant le minimum de Maunder. « Etant donné qu’aujourd’hui notre étoile se trouve déjà à une faible activité, si elle descendait à son minimum, ceci représenterait une variation plus faible, d’à peu près 0.2°C. » poursuit le Dr. Neu. 0.2°C est aussi l’augmentation de température qui est générée par décennie par les gaz à effet de serre. « Ceci pourrait donc amener à une diminution du réchauffement climatique pendant quelque temps. » conclut le scientifique. Pourtant un tel minimum ne durerait pas éternellement. «Une fois terminé les gaz à effet de serre et une augmentation de l’activité solaire amèneraient ensemble à une élévation plus rapide de la température. » remarque le professeur Beer.

Le Soleil au second plan
De plus, il n’y a pas de signe que l’astre du jour soit en train d’entrer dans un minimum de style Maunder. En effet, les taches solaires n’apparaissent pas n’importe où à sa surface. Elles commencent par devenir visibles à des latitudes moyennes en début de cycle et alors que ce dernier avance elles ont tendance à se manifester proche de l’équateur. Il est donc possible de discerner celles qui proviennent du cycle précédent et de l’actuel. « Ce que l’on observe suggère que le cycle présent va continuer à se développer en un cycle normal. » considère Edouard Bard, climatologue au Collège de France.
La question qui reste est donc de savoir si ce cycle va être faible ou fort. « Il faut se rendre compte que les variations de l’énergie que la Terre reçoit du Soleil au cours d’un cycle sont déjà très faibles. » continue ce professeur titulaire de la chaire de l'Evolution du Climat et de l’Océan. Ainsi, entre le maximum et le minimum, elle ne se modifie que de 0.1%, et ceci se traduit en un changement de température d’environ 0.1°C. « Mais lorsque l’on se pose la question de savoir quelle va être l’intensité du cycle, on parle de différences sur la température terrestre en centièmes de °C. Ceci n’a plus vraiment de sens en climatologie parce que ce n’est plus significatif.» remarque le Dr. Bard. En effet, les incertitudes concernant l’impact des gaz à effet de serre sur la température sont beaucoup plus importantes que les répercussions de ces variations de l’activité de notre étoile. « Ceci fait que ces changements au niveau du Soleil n’ont pas d’impact dans les prédictions de températures. D’ailleurs si l’on refaisait les calculs en maintenant l’activité solaire constante, on obtiendrait les mêmes résultats.» précise Urs Neu.

Mars affecté par le Soleil? 


Vue de la planète rouge prise par Mars Exploration Rover B de la NASA. Ce robot explore cette planète depuis 2004 à la recherche de traces d’une présence ancienne d’eau qui aurait permis l’apparition de vies extraterrestres.

Les auteurs qui arrivent à la conclusion que la Terre va prochainement entrer dans un refroidissement climatique surestiment l’influence du Soleil sur le climat terrestre ou sous-estiment l’effet des gaz à effet de serre. Par exemple le Dr. Habibullo Abdussamatov, le directeur de projet ASTROMETRIA (ayant comme but l’étude de notre étoile) de la Station spatiale internationale a prédit un refroidissement important qui devrait commencer ces prochaines années. Sa thèse fut reprise par de nombreux journaux, y compris National Geographic. Pour cet astrophysicien, l’idée que l’évolution du climat terrestre soit dirigée par l’astre du jour, et non les gaz à effet de serre, serait soutenue par le fait que la Terre, Mars et d’autres planètes du système solaire auraient des réchauffements parallèles. En réalité cette vision ne s’appuie pas sur des travaux scientifiques. Par exemple au niveau de la planète rouge, l’évolution de son climat pourrait émaner d’autres phénomènes, comme le fait que les vents peuvent y déplacer du sable, changeant ainsi la couleur de vastes étendues de sol. Un ton plus sombre absorbant plus l’énergie solaire qu’un plus clair, ceci peut avoir des conséquences sur la chaleur transmise à l’atmosphère martienne.
Par ailleurs cette hypothèse est infirmée par le fait que l’activité solaire a diminué depuis le milieu des années 80 ! Pourtant, en ce qui concerne la Terre, sa température s’est élevée. «Cette théorie ne peut pas expliquer le réchauffement climatique actuel. » remarque Joanna Dorothy Haigh, un professeur en physique atmosphérique à l’Imperial College à Londres au Royaume-Uni. En fait, un autre facteur, les gaz à effet de serre, ont donc dû induire ce changement.

De plus le mécanisme de l’effet de serre est bien connu depuis quelque 150 ans ! (Pour en savoir plus sur sa découverte).

Rayons cosmiques et nuages
Quels sont les mécanismes d’action du Soleil sur le climat? Le plus évident est que l’astre du jour vient réchauffer l’atmosphère terrestre. Pourtant, cette explication ne semble pas suffisante puisque, en ne prenant en compte que cet effet, la plupart des simulations climatiques ne vont pas prédire l’impact réel de notre étoile sur le climat. Il existerait donc des mécanismes qui vont amplifier l’action du Soleil sur notre atmosphère.
Un moyen possible fut proposé par deux scientifiques danois, Henrick Swensmark et Eigil Friis-Christensen. Ces derniers ont supposé que les rayons cosmiques galactiques, des particules chargées électriquement venant de l’espace, pourraient avoir la particularité d’induire la formation de nuages.


Les rayons cosmiques galactiques sont des particules chargées électriquement venant de l’espace. Certains émaneraient de supernovae, c'est-à-dire de l’explosion d’une étoile, tandis que pour d’autres leur origine reste mystérieuse. En effet, certaines de ces particules ont une énergie tellement importante qu’aucun processus physique connu ne peut expliquer leur apparition. Ces rayons étant dangereux pour l’être humain, en particulier l’ADN, ils constituent un problème pour les missions spatiales, par exemple dans l’hypothèse d’un voyage à destination de Mars. Différentes solutions ont été proposées comme de construire la coque du véhicule spatial non pas en aluminium mais en un plastique riche en hydrogène offrant une meilleure protection. Les réservoirs d’hydrogène liquide ainsi que l’eau, respectivement nécessaires à la propulsion de l’engin et à la vie des astronautes, pourraient être utilisés afin de protéger l’équipage étant donné que ces fluides absorbent ces rayons. L’utilisation de médicaments a aussi été envisagée pour lutter contre leurs effets.

« Le Soleil va générer autour de lui des vents solaires (c’est-à-dire que des particules chargées vont quitter cette étoile et partir dans l’univers). Ces derniers vont protéger le système solaire des rayons cosmiques. » explique Joanna Haigh.

Les vents solaires sont des particules chargées qui vont quitter le Soleil et partir dans l’univers. Ils vont être responsables des aurores boréales (sur la photographie, ce phénomène vu depuis la navette spatiale). Lorsqu’un grand nombre de ces particules arrive sur Terre, elles génèrent ce que l’on appelle des tempêtes solaires. Celles-ci peuvent induire des disfonctionnements au niveau des systèmes électriques. En 1859 un tel événement mit hors service les systèmes télégraphiques de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Des postes de télégraphes prirent feu et engendrèrent des incendies importants. Des aurores boréales furent visibles dans différents endroits du monde et en pleine nuit la luminosité était telle que l’on pouvait lire un journal.
De nos jours un scénario similaire pourrait faire s’effondrer les réseaux de distribution d’électricité ainsi que les systèmes de communication dont internet. Ceci aurait entre autres comme conséquence un arrêt de l’apport d’eau aux villes et des centrales nucléaires. Des satellites pourraient également être rendus non fonctionnels. Etant donné la dépendance de nos sociétés à ces infrastructures, une telle situation pourrait avoir des conséquences graves, notamment d’un point de vue économique. Par exemple aux Etats-Unis, ce type de catastrophe pourrait coûter seulement la première année après sa survenue 2 trillions de dollars américain (740 millions de milliards d’euros), soit 20 fois plus que l’ouragan Katrina. Il faudrait jusqu’à 10 ans pour en réparer les dégâts.
La prédiction initiale d’une tempête solaire par la NASA pour 2012 amena des personnes à penser qu’il s’agissait d’une confirmation de la fin du monde à cette date telle qu’elle serait annoncée dans le calendrier Maya.

Mais si le Soleil se met au repos, les vents solaires deviennent également moins importants. Notre atmosphère reçoit alors plus de rayons cosmiques ce qui induirait la formation de plus de nuages. Cette théorie a été largement diffusée par les médias et apparaît dans de nombreux films documentaires, articles de journaux, etc. Pourtant, la corrélation entre les rayons cosmiques et la quantité de nuages étant mauvaise, les auteurs de cette théorie vont la modifier. « L’idée fut alors que les rayons cosmiques devaient influencer la formation de nuages de basse altitude, qui ont la propriété de refroidir l’atmosphère en diminuant la quantité d’énergie provenant du Soleil atteignant le sol. » explique le professeur Beer. Pourtant, cette hypothèse est aussi contestée. « Ces travaux sont de mauvaise qualité et ne démontrent pas clairement le lien statistique qui existe entre les rayons cosmiques et les nuages. De plus il y a beaucoup d’étapes dans les mécanismes qui lieraient ces éléments qui restent à élucider. » estime le Dr. Haigh.

Le Professeur Joanna D. Haigh.
Quant à Jürg Beer, qui a reanalysé cette connexion et a cosigné un article qui va paraître dans le journal Geophysical Research Letters, il explique que « Nous avons fait un travail statistique beaucoup plus sérieux que les chercheurs danois, en analysant plus d’un million de corrélations possibles entre rayons cosmiques et nuages. Nos travaux montrent qu’il n’y a en réalité pas de lien entre ces deux éléments. Ceci nous mène à la conclusion que ces rayons n’ont pas d’effet sur le climat terrestre à grande échelle. ».
Un autre mécanisme d’action a été proposé par le professeur Joanna Haigh : « L’énergie reçue par la Terre du Soleil varie plus dans la partie ultraviolette (une lumière émise par notre étoile, que l’être humain ne peut pas visualiser, et qui induit le bronzage) que dans la partie qui est visible. Cette lumière ultraviolette (UV) va avoir comme effet de générer de l’ozone. » explique cette chercheuse. (Le même phénomène se produit dans les photocopieuses qui utilisent de la lumière UV pour reproduire les documents. Ces appareils vont avoir une odeur caractéristique, celle de l’ozone. Par contre d’autres utilisations des ultraviolets, comme dans le cas des machines de bronzage ou celles servant à détecter les faux billets de banque ne vont pas produire ce gaz. Ceci vient de ce que la lumière utilisée n’a pas une énergie suffisante pour transformer de l’oxygène en ce composé.) Lorsque l’ozone est produit dans la haute atmosphère, il y génère une couche. Faire varier la quantité de ce gaz va avoir des répercussions sur le reste de l’atmosphère, modifiant ainsi des flux d’air en altitude et des vents ainsi que les températures.
Une autre succession de causes et d’effets mise en avant stipule que les différences d’énergie reçue par les océans du Soleil vont avoir un impact sur l’évaporation de ceux-ci, dont vont dépendre les nuages et les précipitations, qui vont-elles mêmes affecter les vents, etc.
Au niveau des simulations, c’est en utilisant ces deux considérations que les résultats sont les plus proches de la réalité. On voit donc qu’il y a dans l’atmosphère une synergie entre les processus qui se déroulent à la surface et dans les parties hautes dans la détermination du climat. « L’impact de notre étoile sur l’atmosphère est une question complexe qui constitue un domaine de recherche en évolution constante qui est fascinant.» conclut le professeur Joanna Haigh.

                                                                                     Gaëtan Dübler



[i] Cette citation provient d’un document intitulé Information for interview 110807. Variations in natural pattern of solar irradiation determine changes in Earth climate que m’a fait parvenir Habibullo Abdussamatov.