Savez-vous que l'Ancien Empire égyptien qui construisit les pyramides s'est effondré lors d'un changment climatique? Que l'ère des dinosaures ou que des simulations de l'atmophère martienne peuvent nous fournir de précieux renseignements sur la façon dont les climats vont évoluer? Que de la viande artificielle pourrait nous permettre de lutter contre le réchauffement climatique? Si vous voulez en découvrir plus là-dessus ainsi que sur beaucoup d'autres sujets, je vous propose mon livre Climats du futur: une fascinante enquête au coeur de la communauté scientifique pour seulement 2,99 euros chez Amazon que vous pourrez lire immédiatemment avec Kindle. Pour y accéder il suffit de cliquer sur ce lien. Le changement climatique est une des plus importantes questions que notre civilisation devra adresser durant ce siècle. Il aura des répercussions majeures sur notre avenir que ce soit au niveau strétégique, militaire ou encore du sytème économique. Quelque soit votre domaine d'expertise vous ne voulez donc pas passer à côté de ces informations étonnantes.


mercredi 24 septembre 2008

Ce que les dinosaures ont à nous apprendre sur les climats futurs

Ce reptile est un Diplodocus. D’une longueur pouvant atteindre 35 mètres, son cou à lui seul mesurant jusqu’à 9 mètres, il naissait d’un œuf de 20 à 30 centimètres de diamètre. Il est estimé que son cœur devait peser 1,6 tonne, à moins qu’il n’y ait eu des pompes auxiliaires dans le cou. Des herbivores semblables encore plus démesurés pesaient dans les 80 tonnes !

A quoi ressemblerait la Terre si la concentration atmosphérique de CO2 continue de croître de par les émissions générées par les activités humaines ? La réponse se trouve dans un monde depuis longtemps disparu, celui des dinosaures. En effet, cette ère est caractérisée par une atmosphère contenant jusqu’à 12 fois plus de dioxyde de carbone qu’actuellement et donc un effet de serre important. L’étude de cette période de la vie sur terre a ainsi une grande importance pour élaborer des scénarios réalistes de ce qui pourrait se passer dans les temps à venir. Elle permet aussi de tester les modèles climatiques utilisés pour prévoir les climats futurs. Aujourd’hui les climatologues travaillent avec les paléontologues. Qu’ont donc à nous dire des fossiles enfouis sous la terre depuis des centaines de millions d’années sur l’avenir de notre planète bleue ?















Aéroport de Bettles, Alaska. Un hélicoptère CH-47D Chinook de l’U. S. army (armée des Etats-Unis) vient de se poser afin de faire le plein de kérosène. Les pilotes en profitent pour ausculter une nouvelle fois les photographies, prises par un satellite, de leur destination. L’aéronef ainsi que la B Compagny, 4th Battalion, 123rd Aviation Regiment (compagnie B, 4e bataillon, 123e régiment d’aviation), dont des militaires constituent l’équipage, se préparent à une des missions les plus délicates depuis la guerre du Viet Nam. Il s’agit d’aller récupérer dans le cercle polaire arctique un fossile d’un reptile marin, un Ichtyosaure, ayant vécu pendant l’ère des dinosaures.

Reconstitution d’Ichtyosaures.

L’escale terminée la machine volante met le cap vers le nord. Une fois arrivés à l’emplacement du fossile, où ils montent un camp, ils se trouvent à 200 km. de la prochaine route ou habitation. Les représentants de l’armée, accompagnés de scientifiques, dirigés par un expert en dinosaures polaires, le Dr. Gangloff, extraient le fossile et le protège en vue de son transport. Malgré des conditions météorologiques difficiles, le 5e jour, le précieux caillou est hissé à bord de l’hélicoptère sous un soleil qui, à ces latitudes et à cette période de l’année, ne se couche jamais.


















Le fossile collecté lors de cette opération.








Peu après que cette expédition soit terminée, une nouvelle similaire est mise sur pied.

Des membres de ce deuxième voyage.














Des Chinooks, équipés de skis pour atterrir, volent au-dessus de l’océan Arctique en direction de leur nouveau but.


Cette fois différents spécimens de fossiles de dinosaures sont ramenés, dont trois crânes de Pachyrhinosaures pesant une tonne.

Jeune dinosaure Pachyrhinosaurus. Une fois adulte cet herbivore mesurerait quelque 5 ,5 mètres de long et avait une hauteur de plus de 2 mètres.

Pourquoi tant d’efforts pour rapatrier le squelette de créatures disparues il y a des temps antédiluviens ? Une des raisons en est que leur connaissance fournit des indications sur les climats qui régnaient sur la Terre au moment de leur existence. Par exemple, il est étonnant de voir que les dinosaures vivaient, comme nous venons de le voir, dans le cercle polaire arctique, des régions aujourd’hui inhospitalières. Ceci suggère aux paléontologues des climats très différents de ceux que l’on peut rencontrer de nos jours.
Etant donné qu’il y avait pendant le Mésozoïque (la période pendant laquelle les dinosaures ont vécu) des taux de CO2 beaucoup plus importants qu’aujourd’hui, jusqu’à 12 fois supérieurs, cette période permet d’étudier un monde caractérisé par un effet de serre important, peut-être similaire à celui que l’homme va créer, de par son utilisation des énergies fossiles dont la combustion génère des gaz à effet de serre.

La mémoire des plantes
Comment les scientifiques connaissent-ils les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone qui existaient il y a des dizaines de millions d’années ? Un moyen est l’étude des Magnolias ! Si ces plantes sont exposées à des taux de CO2 importants, la forme de leurs feuilles va être différente. Etant donné que le Magnolia existait déjà à l’époque des dinosaures, les scientifiques peuvent en regarder les fossiles et en déduire la concentration de dioxyde de carbone au moment où ces végétaux étaient en vie.

Une fleur de Magnolia. Comme ces organismes se développèrent alors que les abeilles n’existaient pas, ils sont conçus pour être pollinisés par des coléoptères ! (les coléoptères sont des insectes, telles les coccinelles, qui se distinguent par leurs ailes particulières. C’est l’ordre des animaux qui regroupe le plus d’espèces de nos jours).




Une autre solution pour déterminer les concentrations de CO2 du passé nous est également fournie par les végétaux. Vous êtes-vous demandé comment pousse un arbre? La réponse pourrait paraître évidente : il a des racines et prélève dans le sol ce dont il a besoin pour sa croissance. Si ceci était exact, il devrait y avoir une dépression dans le sol autour du tronc là où il a prélevé de la terre ! En effet, ces plantes font partie des organismes les plus volumineux, un simple sapin pèse à peu près 2 tonnes. Toute cette matière doit donc bien provenir de quelque part. Ceci a depuis longtemps intrigués les scientifiques. On trouve le premier compte-rendu d’une expérience visant à élucider cette question dans un vieux livre du 17ème siècle dont le titre est Ortus medicinae, vel opera et opuscula omnia (traduit par les Œuvres de Jean Baptiste Van Helmont traitant des principes de médecine et physique). Ce chimiste belge avait pris un pot dans lequel il mit de la terre dont il mesura le poids. Il y planta un arbre et attendit 5 ans. Lorsque celui-ci eut grandi il pesa de nouveau la terre. Sa masse n’avait presque pas changé ! D’où venait donc la matière qui constituait les racines, le corps, les branches et les feuilles ? Depuis les chercheurs ont résolu ce mystère. La réponse est étonnante : essentiellement de l’air (pour 92% du poids de l’arbre), accessoirement de l’eau qu’il a prélevée par ces racines (pour 7%) et d’éléments provenant de la terre pour une quantité négligeable (beaucoup moins de 1%).

Un chêne s’est effondré dans un parc en Angleterre. Difficile de s’imaginer que cette énorme masse est essentiellement faite à partir d’air…

Comment les plantes arrivent-t-elles à ‘’condenser’’ de l’air afin de se constituer ? Elles vont ‘’inhaler’’ du dioxyde de carbone se trouvant dans l’atmosphère. Avec l’énergie qui leur est fournie par la lumière elles vont le transformer en leurs constituants - il s’agit du processus que l’on nomme photosynthèse - . En se faisant elles génèrent de l’oxygène, que l’on va utiliser pour notre respiration (un arbre fournit assez de ce gaz pour deux êtres humains). Nous allons nous- même créer du dioxyde de carbone lors de ce processus qui va à son tour pouvoir être recapté par des plantes.
Des philosophes grecques dont Aristote, Platon et Hippocrate estimaient que les êtres et les objets étaient le résultat de mélanges différents d’air, d’eau, de terre et de feu. Cette vision servit de base à la perception du monde en Europe pendant plus de 2 millénaires et entre autres les alchimistes allaient la reprendre au Moyen-âge. Bien que cette idée ait été abandonnée en science, il peut être opportun de la raviver dans ce cadre. En effet, on a vu qu’un arbre est créé à partir d’air, d’eau et dans une moindre mesure de terre. Qu’en est-il du feu ?
Notre planète se trouve isolée dans le vide de l’univers et essentiellement le seul élément que l’on reçoit de l’extérieur est l’énergie qui nous provient du Soleil. Comme nous l’avons vu les plantes vont pouvoir utiliser cette dernière (elles apparaissent vertes parce qu’elles n’absorbent pas la lumière de cette couleur et celle-ci est ainsi réfléchie.) On peut donc bien considérer qu’il y a une composante de ‘’feu’’ provenant de notre étoile dans un végétal.
Nous sommes nous-mêmes constitué à base de plantes, notre corps étant tiré des végétaux que nous avons mangés ou de viande qui provient d’animaux qui ont eux-mêmes consommé une telle nourriture. Nous émanons donc aussi d’air, d’eau, de terre et de feu, l’énergie que nous utilisons pour marcher, réfléchir, travailler, etc. provenant ultimement de la lumière du Soleil captée par les végétaux. (Dans la vision actuelle, un humain est fait essentiellement d’oxygène, de carbone, d’hydrogène et d’azote. D’autres éléments entrent dans notre composition de façon moins importante comme des métaux tels le fer, le cobalt, le calcium… Il est à remarquer que les quantités de ces substances requises pour l’édification d’un homme peuvent être achetées sur le marché pour seulement quelques euros !).
L’essence que l’on met dans le réservoir de nos voitures est essentiellement issue de pétrole, qui vient lui-même initialement de plantes et d’animaux. L’énergie qui propulse ces véhicules est donc aussi finalement issue de l’astre du jour.
Mais revenons à la question de la photosynthèse. Comme mentionné précédemment les végétaux utilisent du CO2. Pour ceci ils ont des petites ouvertures nommées stomates sur leurs feuilles qui leur permettent de l’assimiler.

Cette photographie prise avec un microscope montre un stomate, une des nombreuses minuscules ‘’bouches’’ se trouvant à la surface des plantes leur permettant d’’’aspirer’’ du CO2 - ici sur une feuille de tomate - .


Ces structures vont permettre à l’eau qui se trouve dans la plante de s’évaporer. Plus une plantes a de ces pores, plus elle va avoir tendance à transpirer. Le but des végétaux étant d’éviter les déperditions de ce liquide, celui-ci étant nécessaire à leur survie, ils vont présenter le minimum de stomates afin d’assurer l’absorption de dioxyde de carbone dont ils ont besoin. Si la concentration atmosphérique de ce gaz s’élève, le nombre de ces orifices va donc généralement diminuer et vice versa. Il est ainsi possible de compter ces derniers sur des feuilles fossilisées pour avoir des indications sur les concentrations de CO2 à une époque donnée.

Des dinosaures gigantesques à cause du CO2 ?
Ces taux élevés de dioxyde de carbone ont par ailleurs eu un autre effet sur la végétation. Celle-ci poussant généralement mieux dans une atmosphère enrichie en ce gaz étant donné que les plantes l’utilisent pour la photosynthèse comme nous l’avons vu précédemment, on peut imaginer que les dinosaures herbivores avaient beaucoup de nourriture. D’après certains scientifiques ceci expliquerait pourquoi des dinosaures sont devenus si grands. Pour tester cette hypothèse, des Ginkgos biloba, des arbres qui existaient déjà à l’époque des dinosaures, ont été mis dans une atmosphère enrichie en dioxyde de carbone et en oxygène pour reconstituer une atmosphère similaire à celle qui existait. Les arbres ont poussé jusqu’à trois fois plus vite que dans les conditions actuelles !

Cette photographie montre un Ginkgo à Hiroshima au Japon. Il existait déjà en 1945, à environ 1 km. de l’épicentre de la bombe atomique lancée sur cette ville par les Etats-Unis. Le temple qui se trouvait initialement à côté de lui fut soufflé par l’explosion. Depuis un nouvel édifice a été construit, dont les marches se séparent afin de laisser un espace pour son tronc.
Les Ginkgos biloba existaient déjà il y a des centaines de millions d’années. Ils ont traversé le Mésozoïque (l’ère des dinosaures), au sein d’une végétation très différente de celle de nos jours. L’herbe, par exemple, n’existait pas encore. Pourtant, après ceci, ils vont progressivement disparaître. Il n’en existera plus que dans une région de la Chine. Des moines de ce pays vont patiemment les cultiver pendant 1000 ans. Cet arbre étant associé au bouddhisme on peut le voir autour de temples. Certaines de ces plantes ont un âge allant jusqu’à 3000 ans !

Pourtant, tous les scientifiques ne partagent pas ce point de vue. Par exemple Jorn Harald Hurum, un paléontologue à l’université d’Oslo en Norvège, remarque que « Tous les dinosaures n’étaient pas grands. De plus, on connaît des animaux gigantesques à toutes les périodes ces derniers 200 millions d’années. Même de nos jours, nous pouvons en rencontrer, tels les baleines, les éléphants ou les girafes. ». Christopher R. Noto, un chercheur spécialiste des dinosaures à la Stony Brook Univerity (université Stony Brook) aux Etats-Unis estime qu’ « Il faut tenir compte de différents phénomènes qui peuvent, malgré un taux de CO2 plus élevé, amener à des diminutions de production des plantes. Il y a par exemple la question de l’épuisement des sols, une transpiration plus importante des végétaux avec une augmentation de température ou encore une difficulté pour les plantes à avoir accès à la lumière à cause des autres. ». On remarque également qu’une augmentation de CO2 peut amener des végétaux à avoir un contenu moins nutritionnel, voire à ne plus être consommable. « C’est le cas chez ceux qui vont utiliser le CO2 pour synthétiser des éléments qui servent de défense à la plante. » poursuit ce scientifique. Le Dr. Lionel Cavin, conservateur du département de paléontologie et géologie du musée d’histoire naturelle à Genève en Suisse, ne voit également pas une relation directe entre des plantes qui croissent plus vite et des animaux de grande taille : « Les régions où nous voyons actuellement le plus de végétation sont les forêts tropicales. Pourtant, ce n’est pas là, mais dans les savanes, qui vivent les grands animaux. ». On peut imaginer qu’il devait en être de même durant l’époque des dinosaures étant donné que de volumineux animaux, avec leur corps encombrant, ont de la difficulté à se mouvoir entre les arbres d’une forêt. Comme nous allons le voir par la suite, ces questions jouent un rôle dans la reconstruction des climats du Mésozoïque.

Les climats des dinosaures
En quoi le monde des dinosaures différait –il du nôtre ? La première différence est qu’il faisait généralement, de par l’effet de serre exacerbé, plus chaud sur Terre qu’aujourd’hui. La répartition des climats était donc différente.


Cette carte montre les climats au Jurassique, une période de l’ère pendant laquelle les dinosaures ont vécu.
En jaunes sont représentés des climats humides en été, en rose : des déserts, en rose clair : des climats humides en hiver, en vert : des climats tempérés et en bleu : des climats froids. On remarque également l’absence de glace aux pôles.


Les continents ont une disposition différente de l’actuelle. Ceci vient du fait que, au début du Mésozoïque, tous les continents étaient assemblés et ne formaient qu’un seul supercontinent appelé la Pongée, avant de se séparer. « Si les dinosaures vivaient initialement tous sur le même continent, avec la dérive de ces derniers, ces animaux vont être séparés les uns des autres. » explique le Dr. Lionel Cavin. « De par le fait qu’ils ont évolué pour être mieux adaptés à leur environnement spécifique, ils sont devenus, avec le temps, de plus en plus typiques d’une certaine aire géographique. » continue ce chercheur spécialisé dans les faunes du Mésozoïque. Christopher Noto souligne que cette ère a été très longue, ce qui a permis une évolution importante. « Le Tyrannosaure rex se trouve plus éloigné dans le temps du dinosaure 
Allosaure que de l’homme ! »

Un squelette de Tyrannosaure. Avec ces 13 m. de longueur, 5 de hauteur et ces 7 tonnes de poids, il constitue un des plus grands carnivores n’ayant jamais foulé le sol de cette planète. Une ‘’version’’ moins gigantesque, l’Allosaure, a existé avant lui.

D’un point de vue climatologique, nous avons actuellement dans la région de l’équateur le plus souvent un climat présentant des températures élevées et des précipitations abondantes tout au cours de l’année. « A l’époque des dinosaures, la situation est différente étant donné que cette région (en jaune sur la carte) n’est pas humide tout le temps. » explique Christopher Noto qui a participé à la rédaction de l’article présentant cette carte. « Ceci vient d’une climatologie dans laquelle on rencontrait de gigantesques moussons. Mais ces dernières ne passaient pas sur cette région du globe. » continue ce scientifique. Les tropiques sont bordés au nord et au sud de déserts (en rose sur la carte). En continuant à progresser en direction des pôles on rencontre des climats de nouveau humides une partie de l’année (en rose clair), puis tempérés (en vert) et finalement près des pôles des régions froides (en bleu).
Comment sait-on cela ?

La première carte montre la diversité des plantes au Jurassique (plus le rond est grand plus il y a de plantes différentes connues à cet endroit grâce aux fossiles). La deuxième recense les endroits où l’on peut trouver du charbon (cercles noirs) et de l’évaporite (cercles blancs). La dernière montre où se trouvaient les dinosaures (comme pour les plantes, un cercle plus gros signifie que nous savons que vivaient à cet endroit un grand nombre d’espèces différentes).













« La formation du charbon fournit une indication sur le climat, puisque qu’il se forme dans des conditions humides. Les roches évaporitiques apparaissent dans des environnements caractérisés par une forte évaporation, indiquant des climats secs. » explique le professeur Noto. On remarque que les animaux ne se trouvent pas forcément là où il y a le plus de végétation. Ceci, comme nous l’avons vu ci-avant peut s’expliquer et est un phénomène également observable de nos jours. En ce qui concerne la flore, certaines plantes vivent dans des climats chauds, d’autres dans des environnements humides, etc. Leurs fossiles amènent donc aussi des indications sur leur environnement qui ont été prises en compte dans la carte des climats. Au niveau de la répartition des dinosaures, on remarque qu’elle est différente de celle des animaux actuellement. Si aujourd’hui la plus importante concentration se trouve dans la région équatoriale, celle-ci paraît peu habitée au Jurassique. On rencontre plutôt la vie aux latitudes moyennes, avec une biodiversité qui est la plus marquée dans l’hémisphère nord.

Un monde disparu de forêts tropicales ?
Pourtant, Christopher Noto appelle à la prudence dans l’interprétation de ces informations. « Le fait que l’on retrouve peu de fossiles dans les régions équatoriales ne veut pas forcément dire qu’elles ne supportaient pas des espèces variées. En effet, à supposer qu’il y ait eu une forêt tropicale, nous n’en retrouverions pas forcément de traces. ». Ceci vient du fait que les forêts ne sont pas propices à la fossilisation. Le os y sont rapidement dégradés, les plantes utilisant les minéraux qu’ils contiennent pour leur propre usage. De plus une carcasse ne va pas être recouverte, comme c’est le cas par exemple dans une rivière où des morceaux de roche, transportés par l’eau, vont le faire. Un autre aspect est qu’un animal mort va être dévoré par des carnivores ou des charognards. Les os des petits animaux ou les os de taille menue des plus gros vont être mangés et donc détruits. Comme nous l’avons vu précédemment ces endroits sont peuplés d’animaux de petite ou moyenne grandeur, ce qui fait qu’ils ont moins de chance qu’un gros d’être fossilisés. De plus, un os de dimension importante se conservera mieux qu’un petit, étant donné qu’il faut plus de temps pour qu’il soit dégradé par la nature. « Il est donc possible d’imaginer qu’un monde similaire aux forêts tropicales actuelles existait dans les régions équatoriales mais qu’aucun indice ne nous soit parvenu. » conclut Christopher Noto.
Par rapport aux régions tropicales peut également se poser un autre problème : la difficulté d’accéder à ces espaces qui limite les découvertes possible de fossiles. C’est le cas par exemple du Sahara, le troisième plus grand désert après l’Antarctique et l'Arctique, qui est d’une superficie plus importante que celle des Etats-Unis ! Le physicien Michael Arthur Paesler de la North Carolina State University (université d’état de Caroline du nord) aux Etats-Unis est en train de préparer une expédition ayant comme but la recherche de fossiles dans cette région géographique avec un … dirigeable. Ce scientifique a développé un radar permettant de détecter les fossiles qui sera embarqué dans l’appareil volant. « Etant donné que nous devrons travailler dans un environnement où il est difficile de faire fonctionner des ordinateurs, les informations récoltées avec le radar vont être envoyées à un satellite. Ce dernier va les transmettre en Amérique où elles seront analysées. »explique le professeur Paesler se réjouissant déjà des découvertes potentielles qu’une telle entreprise peut amener. En effet, cet endroit était loin d’être vide de vie. Nous savons qu’il s’y produisait des pluies épisodiques mais importantes par les signes que de tels événements ont laissé dans la terre. Les fossiles nous informent de la faune qui y vivait. Par exemple, en ce qui concerne les herbivores, ils étaient généralement d’une longueur allant de 6 à 15 mètres. Il est donc possible de s’imaginer ce désert il y a 100 millions d’années !

Désert du Sahara, il y a 100 millions d’années.



Ce reptile volant d’une envergue de quelque 70 cm. est un ptérodactyle.












Un ptérodactyle avait posé son long bec sur le sol. Avec le calme de la nuit, il s’était assoupit mais soudain il entendit un bruit. Se déplaçant en s’aidant de ses ailes, il alla jusque au bord du monticule qui lui servait de refuge. Il vit un troupeau de dinosaures Ouranosaurus nigeriensis se déplaçant en contrebas dans la plaine.

L’Ouranosaure était un dinosaure du désert, dont l’allure n’est pas sans rappeler celle du chameau. La crête sur son dos servait à dégager l’excès de chaleur absorbée pendant la journée après le coucher du soleil. Il possédait aussi certainement un mécanisme lui permettant de refroidir son cerveau le jour en connectant sa circulation sanguine avec des vaisseaux dont le sang se refroidissait en passant dans la région nasale.

Le ptérodactyle les observa, immobile, du haut de son rocher. A chacun de leurs pas les dinosaures enfonçaient dans le sable. Leur démarche était lente et lourde. Un petit, qui avait dû éclore de son œuf il n’y a pas si longtemps, peinait à suivre le rythme. Tout chez les Ouranosaures suggérait la fatigue. Il y avait des semaines qu’il n’avait pas plu et on ne pouvait jamais savoir quand la prochaine pluie arriverait. Les dinosaures étaient à la recherche d’un point d’eau, mais ces derniers s’étaient progressivement asséchés.
Le reptile volant regarda la plaine baignée de la lumière lunaire, sous une myriade d’étoiles. Déjà une lueur à l’horizon annonçait le lever du soleil. Dès que celui-ci commença à monter dans le ciel, l’air devint vibrant. Bientôt la température atteignit les 50°C. Les dinosaures se couchèrent, leur tête dans la direction de l’astre du jour afin de limiter leur exposition à la lumière. Le ptérodactyle déploya ses ailes, fit quelques bonds et sauta dans le vide. Accumulant la vitesse, il plana au-dessus des sables et des pierres. Déjà il commençait à ressentir sur ses ailes les effets de courants d’air chauds montant du sol brûlant. Son cerveau étonnamment volumineux, pour pouvoir analyser sa position et les équilibres subtiles nécessaires au vol, lui permettait de se déplacer dans l’air avec une agilité remarquable. Se mettant à décrire des cercles, il exploitait ces mouvements de l’atmosphère afin de monter, sans avoir besoin de battre des ailes. Loin du sol, la chaleur était plus tolérable.
A l’horizon se profilaient de gros nuages sombres : il allait enfin pleuvoir. En prévision le ptérodactyle atterrit et se trouva un abri entre des rochers. Bientôt le vent se mit à souffler le sable tandis que le ciel s’obscurcissait. Au loin on voyait un rideau de pluie avancer, accompagné d’éclairs, qui par intermittence illuminaient la plaine. Puis une pluie torrentielle se mit à tomber, créant des ruisseaux. Le ptérodactyle trempait son bec dans une large flaque venant jusqu’à ses pieds, avant de lever la tête pour se désaltérer.
Quelques heures après que la tempête eut passé des fleurs émergèrent à perte de vue du sol désertique. Les Ouranosaures marchaient, sans vergogne, sur ce tapis fleuri en le broutant.
En fin de journée, le ptérodactyle s’envola de nouveau. Il nota un parfum particulier, celui des premières plantes à fleurs qui peuplèrent cette planète. Sentant l’air tiède du soir s’écouler le long de ses ailes, il filait sur cette région aride qui semblait infinie, surmontée des couleurs orangées du soleil couchant.

Les dinosaures polaires.
 

Des dinosaures polaires













Une autre aire géographique qui est captivante de par les climats qui y régnaient ainsi que les solutions qu’a trouvées la vie pour s’y adapter sont les régions polaires. Ces parties du globe présentaient des environnements dont on ne peut plus trouver d’équivalent sur Terre aujourd’hui. Comme nous l’avons vu, les pôles avaient été colonisés par les reptiles. Par rapport aux hautes latitudes sud, bien qu’il y faisait moins froid que de nos jours, les températures tombaient au-dessous de 0°C une partie de l’année, comme le montre des traces dans des couches de terre, indiquant des sols gelés à cette époque. Une question qui se pose est de savoir si les dinosaures étaient des animaux à sang froid, comme les reptiles qui vivent de nos jours. « Il est difficile d’imaginer que des dinosaures puissent survivre à de telles latitudes dans ce cas. Dans les climats froids actuels, les seuls animaux qui sont actifs, tels les oiseaux et les mammifères, sont à sang chaud. Nous pouvons d’ailleurs trouver des dinosaures de la plupart des groupes dans des régions polaires. »explique le conservateur de la section paléontologie des vertébrés du musée Victoria à Melbourne(Australie), le Dr. Thomas Hewitt Rich. Il est en outre un des plus importants spécialistes des dinosaures polaires à l’échelle planétaire. Des indications montrent que certains dinosaures étaient effectivement actifs toute l’année, alors même qu’au niveau du pôle sud, cette région était plongée dans la nuit polaire trois mois par année. C’est le cas par exemple de Leaellynosaura, un dinosaure ayant de grands yeux et des lobes optiques très développés au niveau de son cerveau. « Ceci devait lui permettre de discerner même des petites créatures dans l’obscurité de l’hiver polaire. »continue ce paléontologue, coauteur du livre Dinosaurs of Darkness (Dinosaures de l’obscurité).

Leaellynosaura, un dinosaure de 60 à 90 cm. Il a été découvert par Thomas Rich et sa femme, la paléontologue Patricia Vickers-Rich. Ils le nommèrent suivant le prénom de leur fille Leah.





Mais ce n’est pas le cas de tous les dinosaures sous ces latitudes. Par exemple un dinosaure, Timimus hermani, hibernait !


Le dinosaure Tymimus, mesurant 3,5 mètre de long, a également été mis à jour et baptisé par le couple Rich.


 On arrive à cette conclusion en observant les os de ce dinosaure. « On peut y voir des lignes d’arrêt de croissance qui traduisent des périodes pendant lesquelles l’animal a arrêté de s’alimenter.» explique le Dr. Rich. Il s’agit d’un phénomène similaire aux cernes observables sur les coupes de troncs d’arbres, qui traduisent un temps où la plante a cessé de grandir en hiver. Ces structures ne sont pas visibles chez d’autres dinosaures, tel Leaellynosaura, qui continuait à vaquer à ses occupations durant la saison froide.
Des reptiles vivaient aussi dans le cercle polaire arctique. Par exemple le Spitzberg est une île balayée par les vents de l’Océan Arctique, à mi-chemin entre la Norvège et le pôle Nord. C’est sur cette terre que Jorn Hurum est en train de mettre à jour les ossements d’un monstre marin, un Pliosaure, long de 15 m et ayant des dents plus longues que celle d’un Tyrannosaure !

Le gros animal est un Pliosaure, un reptile aquatique ayant vécu à l’époque des dinosaures.












Pourtant, cette île avait déjà livré d’autres secrets : nous savons que des dinosaures y ont vécu, étant donné que l’on peut y trouver des traces laissées par leurs pattes. Bien que cette région se trouvait moins au nord lorsque ces empreintes ont été imprimées, elle appartenait au cercle polaire arctique. « Il devait y avoir de la neige en hiver. » estime le professeur Hurum.

La France et la Suisse au temps des dinosaures
Après avoir fait un tour du monde présentant les différents climats et des faunes qui y étaient associées au temps des dinosaures, peut encore la poser une question : mais à quoi donc ressemblaient la France et la Suisse? « Au Jurassique cette région était un archipel d’îles tropicales dans une mer aujourd’hui disparue, la Thétis. Ces terres pouvaient avoir une surface similaire à celle de l’actuelle Angleterre. » explique le Dr. Cavin. Des dinosaures y vivaient comme en témoigne leurs traces. Par exemple en Suisse existe un site paléontologique dans les Alpes. Etant le plus important du genre en Europe, il constitue un but d’excursion (pour en savoir plus).
En quoi ces informations sont-elles intéressantes par rapport au problème du changement climatique contemporain ? Outre le fait que les climats au temps des dinosaures peuvent nous montrer à quoi ressemble un monde avec plus de CO2, ils nous permettent également de tester les modèles utilisés par les climatologues pour prévoir les climats futurs. Dans ce cas, on va prendre en compte la répartition différente des continents, le fait que la Terre ne tournait pas à la même vitesse (les dinosaures avaient ainsi des jours une demi-heure plus courts que les nôtres !) et bien sûr, la concentration atmosphérique plus importante en dioxyde de carbone. Et le résultat …n’est pas exact.










La première carte est celle que nous avons vue précédemment. La seconde représente le résultat auquel on arrive en utilisant un modèle climatique. Les codes pour les couleurs pour les deux cartes sont les mêmes (en jaunes sont représentés des climats humides en été, en rose : des déserts, en rose clair : des climats humides en hiver, en vert : des climats tempérés et en bleu : des climats froids).










 Le modèle reproduit la succession de climats que l’on a vue sur la première carte. En allant de l’équateur aux pôles on y rencontre aussi une zone tropicale humide en été, des déserts puis des climats tempérés et froids. Les climats tempérés (en vert) représentés dans la région de l’équateur ne peuvent pas être confirmés ou infirmés, étant donné que les conditions qui existaient dans ces régions sont inconnues. Mais l’erreur la plus flagrante est qu’il y a trop de bleu (climats froids) pour les hautes latitudes dans la version générée par le modèle, particulièrement dans l’hémisphère sud. Le problème est que les modélisations prédisent un transfert de chaleur trop faible entre les latitudes basses et les pôles. Ainsi ils arrivent à des températures inférieures pour des régions qui abritaient par exemple de gigantesques herbivores. Le problème pourrait venir du fait que le modèle ne prend pas en compte la végétation. Les climatologues utilisent ces informations pour corriger les modèles. Ceci permettra d’avoir des prédictions plus précises des climats du futur.

« Le changement climatique pourrait amener une nouvelle extinction. »
Au-delà de la question des changements climatiques, une autre interrogation est de savoir comment la faune réagirait en cas d’une augmentation très importante du taux de dioxyde de carbone. Nous avons vu que pendant 40 millions d’années la vie a évolué sur cette planète sous une atmosphère enrichie en CO2. Les animaux se sont adaptés à une répartition des climats fort différente de la nôtre comme nous l’avons vu avec les exemples des dinosaures Ouranosaurus, Leaellynosaurus et Timimus. Peut-on en déduire que la vie et beaucoup de CO2 pourrait aussi coexister dans le futur ?
Pour Lionel Cavin : « Des climats plus chauds est une situation normale pour notre planète. ». Quant à Jorn Hurum il estime que les réchauffements climatiques passés ont vu l’apparition de beaucoup de nouveaux animaux et non des grandes extinctions. « Celles-ci surviennent en cas de refroidissement. Ceci ne correspond évidemment pas au message que l’on entend généralement aujourd’hui. »précise ce chasseur de fossiles. Lionel Cavin juge également qu’une corrélation existe entre température et biodiversité : « Par exemple, pour les ères passées, on observe que plus la température des eaux marines est élevée plus la diversité des poissons est importante. ». Jorn Hurum conclut que le problème concerne essentiellement l’homme étant donné que ce dernier habite à des endroits qui vont être inondés si les glaces polaires fondent. Lionel Cavin, quant à lui, souligne l’importance du problème du passage d’un climat à un autre: « Si un climat 5° C plus chaud qu’actuellement s’installait, ceci ne poserait pas de problème sur le long terme. Par contre le changement d’un climat à un autre peut être dangereux ». Thomas Rich partage ce point de vue en expliquant que cette transition risque d’être désastreuse parce que les animaux qui étaient adaptés à vivre dans des conditions d’effet de serre important ne sont pas ceux qui existent actuellement. « Les variations rapides causent des problèmes aux organismes vivants.» continue-t-il. Christopher Noto adhère à cette idée : « Des variation des taux de CO2 se sont déjà produites dans le passé, mais sur des périodes beaucoup plus longues que ce que l’on voit actuellement. ». Pour ce scientifique, lors de ces événements les animaux ont évolué, se sont adaptés ou ont disparu. Lorsqu’ils se produisent trop rapidement, la faune n’a pas le temps de changer. « Ceci cause des extinctions massives. » ajoute ce chercheur.

                                                                   Gaëtan Dübler

3 commentaires:

Unknown a dit…

Très interessants et tres intructif.
Bref et concis, on en apprend beaucooup. Merci pour cet article. En revanche, la partie sur l'apparition des végétaux ne me convainc pas du tout.

Yves a dit…

Il est clair que dans des périodes telles que le trias, crétacé, carbonifère , et sans doute bien d'autres, le taux de CO2 était beaucoup plus élevé qu'actuellement, de l'ordre de dix fois plus. Le climat en résultant était de type tropical, sans tempêtes (on a trouvé des fougères fossiles de 15 m de haut, et des prêles de 18 m). La vie se plaisait beaucoup dans ce climat (on a trouvé des fossiles de libellule de 60 cm d'envergure.

Sachant que l'on a consommé aujourd'hui environ 40% des réserves accessibles de carbone fossile, pour une augmentation de CO2 de 35% seulement, que peut-on redouter de l'augmentation a venir du CO2?

Faire une modélisation du climat en étant incapable de mettre en équation tous les facteurs qui influent sur le climat est une ecroquerie. Et en tirer des conséquences apocalyptiques une connerie...

Climats a dit…

Le fait que des périodes caractérisées par des concentrations atmosphériques importantes de dioxyde de carbone puissent n’avoir pas été marquées par des tempêtes est effectivement un élément intéressant (par rapport à ce thème pour des temps plus récents voir le texte Al Gore mis en échec par des historiens! sur ce blog).

Sur la question des risques engendrés par le CO2, actuellement ce n’est pas tellement les quantités de ce gaz émises qui sont inquiétantes, mais la rapidité à laquelle ceci se produit. Comme expliqué par plusieurs scientifiques à la fin de cet article, cette situation peut mener à des extinctions étant donné que la faune pourrait ne pas avoir le temps de s’adapter à des nouvelles conditions.

Quant aux modélisations incapables de mettre en équation tous les facteurs, ces dernières deviennent de plus en plus précises - entre autres grâce aux apports que je détaille dans cet article - . Bien que le système climatique soit extrêmement complexe de par les rétroactions, variations naturelles, etc. qu’il présente et qu’il ne réagisse pas de façon simple ou directe, les prédictions vont certainement continuer à s’affiner.