Savez-vous que l'Ancien Empire égyptien qui construisit les pyramides s'est effondré lors d'un changment climatique? Que l'ère des dinosaures ou que des simulations de l'atmophère martienne peuvent nous fournir de précieux renseignements sur la façon dont les climats vont évoluer? Que de la viande artificielle pourrait nous permettre de lutter contre le réchauffement climatique? Si vous voulez en découvrir plus là-dessus ainsi que sur beaucoup d'autres sujets, je vous propose mon livre Climats du futur: une fascinante enquête au coeur de la communauté scientifique pour seulement 2,99 euros chez Amazon que vous pourrez lire immédiatemment avec Kindle. Pour y accéder il suffit de cliquer sur ce lien. Le changement climatique est une des plus importantes questions que notre civilisation devra adresser durant ce siècle. Il aura des répercussions majeures sur notre avenir que ce soit au niveau strétégique, militaire ou encore du sytème économique. Quelque soit votre domaine d'expertise vous ne voulez donc pas passer à côté de ces informations étonnantes.


lundi 19 mai 2008

"L'intelligence collective est mise en échec par la question du changement climatique"





Mark Klein est un des scientifiques leaders du projet Climate Collaboratorium (Collaboratorium du climat) du MIT (Massachusetts Institute of Technology, institut de technologie du Massachusetts) aux Etats-Unis. Depuis plus d’un quart de siècle il étudie l’intelligence collective des êtres humains. Interview



- Climats : L’intelligence collective n’est pas parfaite et peut amener à des erreurs graves, comme ce fut le cas dans la catastrophe de la fusée Challenger. La décision collective peut même être moins avisée que celle de l’individu. Comment ceci est-il possible ?

- Mark Klein : Essentiellement trois causes peuvent amener un groupe à une décision erronée : 1) Une partie des informations sur la situation sont occultées en raison de pression sociale ou politique. 2) Des points de vue formulés tôt dans le processus de délibération vont avoir un impact disproportionné sur la décision en éclipsant des contributions plus tardives mais plus utiles et en accord avec les faits. En effet, les gens vont avoir l’impression qu’’’une connaissance communément admise’’ est juste et qu’il n’est donc pas nécessaire de l’investiguer. 3) Les groupes de délibération ont tendance à se polariser, c'est-à-dire soutenir des opinions de plus en plus extrêmes. Ces amplification d’erreurs viennent du fait que l’être humain a tendance à penser qu’une affirmation est vraie s’il à l’impression que beaucoup d’autres partagent ce point de vue. Le raisonnement sous-jacent est typiquement « comment tous ces gens pourraient avoir tort ? ». La pression sociale y joue également un rôle. Elle s’exerce par les pairs qui vont générer la peur d’être en conflit, ridiculisé ou marginalisé par le groupe. L’individu devient alors servile vis-à-vis de sa hiérarchie dans une attitude opportuniste. Il espère par ce moyen assouvir son désir de faire partie d’une communauté avec laquelle il partage une vision commune de la réalité. Il se crée ainsi une identité sociale en se sentant faire partie d’un clan. Les membres vont alors avoir une approche idéologique commune et se conforter mutuellement dans leur vision. Ces deux derniers phénomènes amènent au conformisme. Son résultat est qu’il n’est plus alors possible d’explorer un nombre de considérations suffisantes. Le groupe prend alors très rapidement une décision. Il s’agit de conditions dans lesquelles les risques de propagation d’erreurs et de décisions erronées sont très élevés.

-C. : Ces facteurs sont-ils à l’œuvre avec le thème du changement climatique ?

-M. K. : Oui. On peut par exemple y observer le phénomène de conformisme généré par la pression sociale dont nous venons de parler. Pour illustrer ce propos on peut prendre le cas des individus qui pensent que le changement climatique ne va pas avoir de conséquences problématiques pour l'humanité. Ils sont essentiellement en contact avec des personnes qui partagent leur opinion. Ceci va avoir comme effet de renforcer leur point de vue. Il en va de même avec ceux qui pensent que cette situation va nous mener à un désastre.
Bien que le travail effectué par la communauté scientifique soit de bonne qualité, on observe au niveau politique et médiatique que les interactions en rapport avec cette question sont incohérentes et dispersées. Il n’y a pas de moyens de convergence permettant de prendre des décisions judicieuses sur cette thématique. Un point préoccupant est que les informations sur le changement climatique sont essentiellement transmises par les médias dont le but n’est pas de s’intéresser à la science mais à des histoires susceptibles de capter l’attention du lecteur.
De façon globale, ce que l’on observe est l’échec de l’intelligence collective face à cette thématique !
C’est pour cette raison que nous sommes en train de développer au MIT (Massachussetts Institute of Technology, institut de technologie du Massachusetts) un nouveau type de discussions et de forums hautement sophistiqués sur Internet. Appelé Climate Collaboratorium, ils permettront d’améliorer la qualité de prise de décision en premier lieu en ce qui concerne le changement climatique. L’idée est d’utiliser la technologie informatique pour exploiter l’intelligence collective, c'est-à-dire créer des canaux permettant l’accumulation et la synergie des gigantesques ressources humaines et technologiques à des fins décisionnelles. En clair, il va permettre à des personnes de tous horizons de faire état de leur point de vue. Ces derniers ainsi que les arguments qui les sous-tendent vont pouvoir être comparés. Par ce moyen nous allons avoir un éventail d’opinions plus important que nulle part ailleurs.
Nous venons de terminer un déploiement de ce système dans la réalité afin de le tester. Cette expérience c’est déroulée à Zurich en Suisse. Nous avons travaillé avec 300 étudiants répartis en 3 groupes. Un utilisa le Collaboratorium tandis que les deux autres se servirent d’autres outils d’intelligence collective. Nous analysons actuellement les résultats.
Le Collaboratorium nous permettra d’aller au-delà de ce que propose le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), en répertoriant des milliers et des milliers d’idées.
Le but est à échéance de créer une démocratie électronique qui permettrait de dépasser nos moyens actuels proposant au citoyen seulement de voter oui ou non par rapport à un petit nombre de choix simplifiés. Ce système rendrait possible des décisions collectives basées sur le raisonnement pour des questions complexes.

- C. : Le système démocratique est-il le plus approprié pour traiter la question du changement climatique ?

- M. K. : Oui, la démocratie est favorable pour appréhender des problèmes complexes. La raison en est qu’elle met en jeu une multitude de cerveaux dans la considération d’une thématique, ce qui n’est pas le cas avec les systèmes hiérarchiques. Par contre pour la résolution de problématiques simples, mais de grande ampleur, des monarchies ou des dictatures sont plus efficaces.

- C. : Le Collaboratorium pourrait-il devenir dérangeant suivant les conclusions auxquelles il arrive ?

- M. K. : Oui, il y a des personnes qui bénéficient du fait que des questions ne sont pas posées. Ceci leur permet de limiter la discussion aux options qu’ils préfèrent. Le Collaboratorium va entrer en conflit direct avec eux.

- C.: Les fourmis ont une grande intelligence collective. On parle même en biologie de super -organisme pour désigner les différentes fourmis d’un nid interagissant. Sont-elles collectivement plus intelligentes que les êtres humains ?

-M. K. : Oui. Une grande intelligence collective signifie que la collectivité est beaucoup plus intelligente que les individus qui la composent. Chez ces insectes la colonie est remarquablement intelligente, ce qui n’est pas le cas des individus pris séparément. Ceci provient de règles simples mais bien pensées que ces arthropodes appliquent au niveau de leurs interactions. Chez les êtres humains c’est le contraire ; l’homme est intelligent tandis que la société est globalement stupide. Par rapport à ceci, le MIT est en train de mettre au point des mesures de quotient intellectuel collectif pour le cerveau global, comme on le fait avec le Q. I. (Quotient Intellectuel) pour les cerveaux individuels. Ceci devrait à échéance permettre d’utiliser des organisations efficaces suivant le type de question que l’on veut traiter et des ressources disponibles. Un tel développement s’appliquera évidemment aussi à la problématique du changement climatique.
Gaëtan Dübler

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